Augustine se réveille en sursaut, lâchant un gémissement effrayé, encore à moitié pris dans son sommeil. Toujours sous le choc de son cauchemar, il regarde partout dans sa chambre, tournant la tête frénétiquement de gauche à droite et de bas en haut. Lorsque deux mains fraîches viennent lui toucher son visage ruisselant de larmes et de sueur, il repousse Eerider en criant et s’enfouit sous la couverture. Eerider tire doucement la couverture et prend son ami dans ses bras, ce qui a pour effet de le calmer instantanément. « Je comprends ce que tu ressens maintenant », murmure-t-elle d’une voix doucereuse.
C’est à son tour de lui servir une tasse de la tisane restante, pendant qu’il la boit, elle reste derrière lui et passe ses bras autour de ses épaules. « Tu veux m’en parler ?
Eh bien…
Prends ton temps.
Augustine regarde par la fenêtre d’un œil soucieux et pose sa tasse vide. Il lâche un soupir et bascule la tête sur la table, il jette encore un coup d’œil à la fenêtre. Eerider suit son regard et commence à comprendre.
Je vois, un Pokémon a sans doute perturbé tes rêves, souffle-t-elle en passant une main dans les cheveux de son ami.
Sans doute… Sans doute… Mais j’ai toujours été très intuitif.
Tu as peur que ton cauchemar ne soit qu’une intuition ? Je comprends pourquoi tu étais complètement terrorisé, mais à ce point-là… tu as vu la fin du monde ?
Non. Enfin, pas vraiment. Tout était très vague. Dans ce cauchemar je perdais tout… Ma mère avait abandonné Kalos pour une autre région, mon père était mort, tu me soutenais quand j’avais découvert ces affreuses nouvelles, Lysandre était resté en retrait et après m’avoir dit qu’il vengerait cette injustice, il a disparu. Et toi… tu m’avais envoyé une lettre mais le temps de la recevoir, je suis arrivé trop tard, tu venais de partir à ton tour et tu hantais mon appartement. J’avais déménagé dans des bureaux mais tu étais revenue les hanter. J’avais fui encore une fois et pendant ce temps où je ne faisais que me cacher, une guerre sans pareille avait transformé Kalos en un champ de ruines. Lysandre m’en voulait et… Et…
Chut, ne t’en fais pas, ce n’était qu’un cauchemar.
Eerider s’accroupie à côté de son ami et lui prend les mains, elle l’entraîne dehors pour prendre l’air matinal.
Tu lis tellement que tu as dû tout mélanger, et ça a pris beaucoup d’ampleur si tu as été victime des mauvais tours d’un Pokémon. Tu es peut-être très intuitif mais tu es aussi pas mal réceptif et compréhensif quand il s’agit des Pokémons. Est-ce possible qu’un Darkrai soit passé ? J’ai envie de voir si tu vas permettre une incroyable découverte ! Toutefois ce ne serait pas raisonnable.
Merci d’être là, Eri. Je suis désolé de t’impliquer dans mes problèmes.
Je t’ai impliqué dans les miens, tu sais ? Ça sert à ça les amis !
Et Lysandre ? Il va se sentir exclu.
Je propose qu’on discute de tout ça autour d’un bon café cet après-midi. J’ignore si Lysandre sera prêt à nous parler de lui, donc on doit lui montrer que les amis sont faits pour ça et sont dignes de confiance.
D’accord, acquiesce Augustine avec un sourire timide.
Et puis si monsieur est jaloux parce que je passe plus de temps avec toi, eh bien tant pis. Il avait qu’à être moins pragmatique.
Je vois mal Lysandre être jaloux de qui que ce soit. Mais… tu me vois comme… plus qu’un simple ami ?
Je ne sais pas si je peux le déterminer ainsi, mais je reconnais être vraiment à l’aise avec toi. C’est encore un peu tôt pour savoir si c’est juste une amitié très forte ou si c’est effectivement une attirance encore plus proche que ça. En ce qui te concerne, tu es calme et patient, tu observes beaucoup, et tu ne t’es pas posé la question. Tu mets tout le monde sur le même pied d’égalité, enfin sauf ces pimbêches d’Ancolie et Brasénie, mais ce serait être stupide. Et tu es loin d’être stupide. »
Augustine éternue, coupant court à la discussion. Eerider étouffe un rire dans ses mains, et ils rentrent. Le garçon décide d’aller se laver et de s’habiller même s’il est encore tôt, prétextant que, de cette manière, il ne serait pas en retard.
Peu avant de partir, Augustine se regarde dans le miroir de la salle de bain et se frotte les yeux, il lave à grande eau son visage et secoue la tête, rafraîchi et constate avec satisfaction qu’il a une meilleure mine. Comme à leur habitude depuis leur arrivée à Neuvartault, le groupe des trois amis partage leur petit-déjeuner et partent ensemble à l’école.
La dresseuse à roulettes revient à la charge encore ce matin, elle leur dit qu’ils pourraient éviter de s’épuiser à sprinter vers l’école pour arriver à l’heure et présente, à nouveau, ses rollers. Encore cette fois, les trois adolescents la repoussent et rejoignent l’école.
Le cours porte sur les altérations de statut que les Pokémons peuvent recevoir en combat, Eerider est particulièrement intéressée et pose la question qui lui brûle les lèvres concernant d’autres états possibles. Les autres élèves la regardent et Augustine lui adresse un regard dubitatif, il sait que la jeune fille est toujours préoccupée par ses Pokémons, et avec la distance qui la sépare d’Illumis, ça n’arrange pas les choses. Le professeur affirme que ce qu’il leur a enseigné sont les seules possibilités, mais il se montre positif en émettant l’hypothèse que d’autres choses sont possibles, car les Pokémons ont encore des secrets par rapport aux humains. Eerider n’en est qu’à moitié rassurée, elle a désormais rajouté la possibilité d’une maladie que personne ne connaît et donc qu’aucun centre Pokémon ne peut soigner. Lorsque la cloche de midi sonne, le professeur leur annonce le programme de l’après-midi : « Cet après-midi, des personnes du Ranch Cabriolaine viennent pour vous permettre de chevaucher à dos de Cabriolaine. Ils pourront prêter des blouses si vous craignez de vous salir. »
Cette activité réconforte Eerider et fait oublier les craintes d’Augustine à cause de son cauchemar. Lorsque Lysandre se présente, une blouse par-dessus ses vêtements, Brasénie et Ancolie y voient une nouvelle occasion de se moquer, mais elles se calment lorsque le garçon roux les fusille du regard. Une éleveuse du ranch explique les particularités d’un Cabriolaine et rassure les élèves en expliquant qu’ils sont tout à fait adaptés aux débutants, et bien plus facile à chevaucher que les Rhinocornes.
Après la théorie, la pratique ; chacun se voit assigné d’un Cabriolaine, certains ont plus de mal que d’autres mais les éleveurs viennent en aide lorsqu’il y a quelques difficultés. Les élèves sont invités à faire un tour du terrain tranquillement pour s’habituer. Lors de la dernière heure, les éleveurs organisent une course récompensée de glaces faites avec du lait de Cabriolaine. L’un d’eux, celui qu’avait Augustine un peu plus tôt, vient se nicher contre le garçon alors que tous mangent en compagnie des éleveurs. Naturellement, Augustine vient lui caresser l’encolure et s’attirer les moqueries de Brasénie et Ancolie.
Les cours finis, les élèves quittent l’école, Eerider met son plan à exécution et ses deux compagnons acceptent de partager un café ensemble. Cependant, lorsque Augustine est dans le couloir, un cri de Cabriolaine les surprend tous. L’éleveuse accourt vers le garçon et lui demande expressément de la suivre. Eerider et Lysandre l’accompagnent, perplexes. « Ce petit t’apprécie tellement qu’il refuse de partir. Et je crois bien qu’il ait pleuré après toi. Les Cabriolaines sont non seulement très proches des humains, mais aussi réceptifs. Comme nous vous avions expliqués, leurs bois sont réceptifs aux mains qui les tiennent. Je ne veux pas le forcer à partir et le laisser pleurer comme ça, alors je t’en fais cadeau.
Me… Merci ! J’en prendrai soin ! Cela dit, je n’ai pas de Pokéball…
Prend celle-ci, elle est neuve, je ne pense pas qu’il voit d’inconvénient à ce qu’elle devienne la sienne. »
Augustine prend la Pokéball de l’éleveuse, la regarde un instant avant de la tendre face à lui. Le Cabriolaine est content d’y rentrer. Eerider remarque qu’il a agit en douceur, entre-ouvrant même la Pokéball avant que son nouveau compagnon ne soit à l’intérieur.
« J’en connais deux qui vont être folles de jalousie ! » s’exclame Eerider au café.
Comme à leur habitude, les trois compères laissent leur Pokémon dehors le temps du goûter. Le nouveau compagnon d’Augustine se montre très amical avec chacun et passe du temps collé à son nouveau dresseur. Lysandre offre quelques baies et lui caresse l’encolure. « Tu as vraiment quelque chose de particulier avec les Pokémons, remarque Lysandre. Je serais curieux de voir ce que ça donne dans les hautes herbes.
Je suis d’accord, et puis c’est la première fois que je vois quelqu’un utiliser une Pokéball comme ça. Tu l’as tout juste posé sur sa tête et tu l’as ouverte. D’habitude on lance la Pokéball et on voit si le Pokémon reste ou pas !
D’abord tu expliques au professeur Sorbier que tu n’aimes pas les combats, que tu vois les Pokémons comme des compagnons et le fait de s’en servir comme outil ou les réduire à l’esclavage te répugne. Maintenant tu démontres qu’une Pokéball n’est pas seulement un objet lançable et probablement que la capture habituelle n’est pas très appréciable… Ma parole ! Tu es un vrai samaritain !
Je ne crois pas que ce soit uniquement parce que tu as grandi entouré de Pokémons. Il y a autre chose. Peut-être que tu as un don ! Comme ces gens capables d’imiter parfaitement le cri des Pokémons ou ceux qui parlent leur langage !
Tu es quelqu’un de spécial, Augustine. J’espère qu’à l’avenir nous travaillerons ensemble. »
Eerider profite de cette dernière phrase pour parler de choses plus sérieuses. Augustine fait également part de son cauchemar. Lysandre parle à son tour de ce qui l’encombre, ceci rapprochant d’autant plus les trois amis.