La mésaventure d’Io
Io était une très belle jeune fille avec ce qu’il faut là où il faut. Ce que les jeunes appellent une bombe. Comme tous les gens superficiels d’aujourd’hui, sa vie était exposée sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Instagram, etc. C’est là que Jupiter, reparti à la pêche aux moules, tomba sur ses photos et eut le coup de foudre pour elle. Chaud comme une baraque à frites, il la contacta et ils se donnèrent rendez-vous le jeudi suivant dans un hôtel Formule 1.
Cependant, l’Olympien craignait la jalousie de sa femme Junon. Il tenta donc de se cacher en recouvrant la France de nuages si épais et si sombres que la nuit sembla chasser le jour. Ce qui n’était pas très discret, d’autant que les chaînes d’info en parlèrent en boucle toute la journée.
De plus, l’épouse du dieu du tonnerre n’était pas née de la dernière pluie.
« Nom de nom ! s’exclama-t-elle. Je sais bien que le climat est détraqué, mais tout de même pas à ce point ! »
Sentant une fois de plus les cornes lui pousser, elle descendit sur terre en appelant son mari. Celui-ci eut juste le temps de se rhabiller et de se transporter en Lozère à la vitesse de l’éclair. Il avait emmené Io qu’il transforma en jeune vache.
« Jupiter ! cria son épouse en arrivant. Que fais-tu là ?! Et qu’est-ce que c’est que ça ?
—C’est une génisse, Junon.
—Mais que fais-tu perdu en Lozère avec une génisse ?
—J’ai décidé de me présenter aux élections présidentielles, et je m’entraîne pour le Salon de l’Agriculture. »
Cependant, la cocue ne goba pas le bobard. C’est pourquoi, elle demanda à son mari de lui céder la bête. Junon se trouvait en effet être membre d’une association qui achète des vaches pour les paysans du Tiers-Monde. Jupiter ne put faire autrement que d’accepter, et Io fut offerte à un certain Argus.
Celui-ci, fils d’un Ukrainien de Tchernobyl et d’une Japonaise de Fukushima, avait la particularité d’avoir cent yeux. Cela lui permettait de dormir en en fermant quelques-uns et de veiller avec les autres sur son troupeau, auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Junon comptait d’ailleurs qu’il garde un œil sur Io.
Dès qu’il sut à qui sa maîtresse avait été offerte, le sang du roi des dieux ne fit qu’un tour. Il envoya aussitôt un texto à son fils Mercure, à qui il délégua la délicate mission de la sauver.
Celui-ci prit l’apparence de Francis Cabrel et offrit un concert privé à Argus. Le vacher ne put résister et s’endormit profondément, ses cent yeux fermés.
Hélas ! Junon arriva à temps pour les surprendre, et envoya un taon attaquer Io. Et la déesse cocue ordonna à la bestiole de ne pas la piquer qu’au cul.
La génisse affolée par la douleur, s’enfuit avant que Mercure n’ait pu lui rendre son aspect normal. Elle resta donc une vache jusqu’au jour où elle arriva sur les bords du Nil. Saine et sauve à part les piqûres, ce qui relève du miracle quand on connaît la situation du Moyen-Orient.
Mais c’était réellement son jour de chance, car Jupiter se trouvait par hasard au même endroit, avec une énième maîtresse. Reconnaissant Io, il se dit qu’il serait peut-être temps de tuer le taon et de lui rendre son apparence.