Je talonnais Sanguini, le vent dans les cheveux. C’était agréable et puis, c’était bien mieux que de marcher dans le sable brûlant ! Le piège que j’avais tendu à Zuko avait fonctionné à merveille. Exception faite que Mai avait résisté et proposer quelque chose qui avait sonné avec une telle suavité à mon oreille. « Je me rendrais à toi si tu les laisses partir ». La phrase tournait encore dans ma tête. Mais j’avais accepté non pas parce que j’aurais pu la garder. Mais parce que j’aurais pu la garder consciente. Et qu’elle passe de mon côté en toute conscience, comme au bon vieux temps, m’avait tellement tentée que j’avais finie par accepter. Mais, juste au moment ou je me suis plier à sa proposition, cela signifiait que mon esprit lui était accessible quelques microsecondes et elle l’avait prévue, bien sûr, cette petite peste. Je me souviendrais toujours de ce combat spirituel.
J’avais été comme foudroyée sur place. Un mal de tête incroyable m’avait pliée en deux. Et je sentais sa présence.
J’ai sentie des milliers de crocs qui m’arrachaient de toutes parts. Il faisait noir, terriblement sombre. Et je sentais son souffle dans ma nuque. Un souffle brûlant de haine et de dégoût. Puis, j’ai vu… j’ai vu des lumières, de petits feux-follets qui dansaient et qui se resserraient autour de moi. Ils m’ont entourés, jusqu’à me brûler et j’ai sentie une puissance insoupçonnée chez Mai. Elle avait un tel esprit… incroyablement puissant. Pour la première fois de ma vie, j’avais eu peur.
Puis, deux grands yeux dorés m’ont regardé. Des yeux énormes. Et je les ai reconnus. Je ne voulais pas y croire. Pas elle. Mais si, c’était bien ses yeux. Et elle avait choisie cet esprit. Elle l’avait choisie pour le guider et l’amener à elle. Un grand danger. J’avais pensé qu’elle était hors d’état de nuire. Mais pas son esprit.
Pourtant, j’aurais dû me douter qu’elle allait cibler quelqu’un de proche de Zuzu. Et c’était quelqu’un de très proche. Autant dans l’esprit que dans le lit !
Mais de toute façon j’avais pris mes précautions.
Tout d’abord, elle était dangereuse et, bien que son esprit soit pur, sa bestialité sera toujours aussi violente. Une fois amenée à elle, elle n’en fera qu’une bouchée. De la Mai… Hum, ce doit être amer.
Ensuite…
- Hmm, hmmm !
Oh, zut, elle a tout cassé cette pimbêche !
Je me penchais en avant et observais la jeune fille ficelée et enserrés des énormes pattes postérieures de Sanguini.
- Tu t’y plais ? demandais-je.
- Va te faire voir ! cracha t-elle.
- Bon, je vais voir ailleurs. Tiens, par exemple, cette tempête de sable !
- Quoi ?! Tu es folle !
Elle se mit à gigoter comme un asticot (ah, ce que j’aime cette comparaison !) en ouvrant ses grands yeux argentés.
- Attends ! Tu vas y passer aussi, donc logiquement, tu ne vas pas le faire, n’est-ce pas ?
- C’est possible qu’on y reste toutes les deux, mais c’est tellement amusant, argumentais-je simplement.
- Tu es folle !
- Ce n’est pas la première fois que tu me le dis alors épargne moi ce mot. Et puis, si je le suis, tu n’as qu’à t’en prendre qu’à toi-même. C’est à cause de Ty Lee et toi. Vous n’aviez qu’à pas m’abandonner.
Elle resta silencieuse un moment, le visage impassible, comme toujours.
- Mais tout portait à croire que nous l’aurions fait à un moment ou un autre.
- Certes. Enfin, je t’admire. Enfin, pas vraiment, mais d’une certaine manière, oui, étant donné que tu es ficelée sur le monstre le plus dangereux qui soit et que tu gardes ton calme, soit-dit en passant légendaire. Tu me parles comme si nous discutions dans un jardin particulièrement agréable autour d’une bonne tasse de thé au jasmin de mon oncle.
- Ce n’est pas faux. Mais tant que je sais que Zuko est en sécurité, ça me va.
- Zuko ?! Tu n’en a pas marre de tout rapporter à lui ?! C’est énervant à la fin !
- C’est ma moitié.
- Ta moitié ? Ah, oui, c’est vrai, tu ne peux pas t’en sortir sans lui.
- C’est faux ! s’exclama t-elle, perdant son calme pour la première fois.
- Bien sûr que si. Tu te rappelles la fois où j’ai lu ton journal intime ? Qu’est-ce que je me suis amusée !
- Moui, comment pourrais-je l’oublier ? Tu t’en es servie pour m’humilier à l’école.
- C’est ce que je disais, je me suis drôlement amusée !
- Hin hin.
- Oh, arrête de faire ta mauvaise tête ! Je me rappelle ce que tu avais écrit sur Zuko, à un paragraphe particulièrement croustillant… Attends, c’était exactement... hum, je réfléchie…
- Quel paragraphe ?
- Tu sais celui avec, « oh Zuko, tu fais battre mon cœur, tu es tellement beau…
- Tais-toi…
- … que j’en perds tous mes moyens en te voyant…
- Tais-toi…
- … tu es si mignon que j’ai toujours envie de t’embrasser…
- Tais-toi !
Tous les dragonniers écoutaient, très amusés.
- …. je ne pourrais jamais t’oublier mon amour. »
- La ferme !
Tous riaient autour d’elle. Mai avait un teint de coucher de soleil particulièrement sanglant.
- J’avais neuf ans, se justifia t-elle, toujours d’un rouge soutenu.
- N’empêche, c’était tellement drôle. J’ai eu tort de me retenir de la monter à Zuzu. Enfin, c’était le bon vieux temps…
- Où tu me pourrissais la vie, souffla Mai.
- C’est toujours le cas, non ?
- Malheureusement.
- Bon, une petite tempête de sable ?
- Non, merci.
- Vraiment ?
- Je t’assure.
- Tssss tssss. Dommage, tu ne sais pas ce que tu rates.
- Oh, j’en suis navrée.
Je fis claquer ma langue et l’observais. Elle m’exaspérait à me donner la répartie avec autant de facilité. Enfin, elle ne s’appelait pas Mai pour rien. C’est déjà ça.
- Dit moi, Mai.
- Oui ?
- Tu aimes les sensations fortes ?
Elle souleva un fin sourcil noir.
- Ah ? Pas particulièrement. Pourquoi ?
J’haussais les épaules.
- Juste comme ça. Je me demandais juste si tu allais aimer le fait que Sanguini te lâche.
- Heu… me lâche ?
- Oui, là, maintenant, tout de suite. Je t’avais dit que nos chemins se croiseraient de nouveau. Je t’avais également dit qu’ils se sépareront totalement.
- Ce n’est pas vraiment ce que j’entendais par là, fit Mai, avec un léger soupçon de peur soudaine.
- Et bien moi, si. Regarde, nous arrivons.
Je pointais un énorme nid perché très en hauteur dans les falaises, au-delà des nuages.
- Et… c’est elle ? murmura Mai, à la fois terrifiée et excitée.
- Oui, Mai. Hej en personne. Ou en bête. Enfin bref, c’est elle quoi.
- C’est vraiment… à couper le souffle. Mais je croyais que tu devais justement m’empêcher d’y arriver ?
- Oui, mais ce que tu n’as pas compris, ce que moi j’ai déjà compris, c’est qu’elle ne te reconnaitra que si c’est son propre esprit qui t’amène à elle. Ce n’est pas le cas.
- Ah. Et… qu’est-ce que je dois comprendre ?
- A toi de le découvrir.
- Génial, fit-elle en levant les yeux au ciel. Je n’ai même pas le droit de savoir de quelle atroce manière je vais mourir.
- Tu le devineras avant de mourir, je te rassure.
- Je me sens très rassurée.
Je virais et stoppais soudain, à quelques centaines de mètres du Nid.
- Tu fais du sur-place, fit remarquer Mai.
- Je sais, idiote, c’est moi qui lui aie ordonné !
- Ah. Et maintenant ?
- Et maintenant, il est temps de te dire à quel point il a été agréable pour moi de passer ma vie à te torturer. Enfin, adieu quoi.
- Hum. Pourquoi tu ne me dépose pas dans le Nid ?
- Parce qu’elle t’a sentie. Et je n’ai pas vraiment la vocation d’un kamikaze. Tiens, tu vois les os dans le Nid ? Ce sont les dragonniers qui me tapaient sur le système.
- Charmant…
- N’est-ce pas ? Bon, bye bye, Mai. Fais bon voyage.
Je tapotais l’encolure de Sanguini qui poussa un grognement de satisfaction. Il pouvait enfin lâcher sa charge.
Il écarta ses immenses serres et laissa tomber Mai à travers les nuages vaporeux.
- Salut ma belle.
Je l’observais disparaître dans les volutes blanches, ses habits de soie voltigeant avec grâce autour d’elle dans un long et grand cri. On aurait dit un ange déchu.
Mais ce n’étais pas mes affaires. Je me détournais et virais. Elle n’avait eu que ce qu’elle méritait, sale traitresse !
Je n’avais jamais tenu à elle. Ce n’était qu’un jouet vivant uniquement pour servir mon divertissement, ma cruauté et ma montée au pouvoir.
Non ?
J’observais Zuko, allongé sur le ventre, ses épaules violemment agitées de sanglots incontrôlables. Je me blottis un peu plus contre Aang, aussi abattue que lui. Mai, Ursa. Qui d’autre allait partir ? Il avait perdu deux êtres chers en une journée. Nous avions cru un moment à la domination de l’esprit de Mai sur celui d’Azula. Mais ce n’avait été qu’illusion.
Les ailes de Sanguini battaient lourdement dans l’air. Il semblait ressentir mon doute, mon hésitation. Il baissait la tête de temps à autre, pour surveiller qu’Hej ne nous avait pas pris en chasse. Mais elle devait être dans son arène, comme à son habitude, à attendre Mai, se pourléchant ses babines monstrueuses. Ou pas. Je ne savais pas. Personne ne l’avait jamais aperçue. A part les morts.
Mai n’allait pas tarder à être une damnée de plus. Et si son fantôme venait me hanter ? Non, impossible, sinon, j’aurais déjà une dizaine de fantômes dragonniers qui me harcèleraient. Ho, mais calme-toi donc Azula ! Ce n’est qu’une imbécile de plus jetée aux fauves !
N’empêche…
Pourquoi ressentais-je cette faiblesse soudaine ?
Mais je crois avoir compris. Ce doit être à cause de ce qui s’est passé. Juste avant que je kidnappe Mai et laisse Zuzu, le maître de l’eau et l’Avatar livrés à eux-mêmes en plein désert, après avoir tués leurs chevaux-autruches.
Ce doit être à cause de cette union étrange. Quand mon esprit n’a fait plus qu’un avec celui de Mai. Je ne sais pas si cela doit m’inquiéter ou non, mais je m’en fiche.
Ce que je ressens est en fait une partie de Mai. Un sentiment qu’elle éprouvait lors de cet… échange.
Mais je ne me souviens plus du terme. Un sentiment que j’avais oublié il y a longtemps.
Ah, oui, la culpabilité.
Quel étrange sentiment.
Enfin, je sentais déjà les effets qui s’estompent. Je ressentais de nouveau ma puissance, ma domination, ma cruauté. Enfin. Ma faiblesse passagère s’envolait.
J’étais de retour. Et plus puissante que jamais.
J’hurlais, tombant à travers les nuages vaporeux. Je sentais le vent me fouetter, siffler à mes oreilles et mes yeux qui pleuraient sous l’effet de la vitesse. J’arrivais même à sentir mes orteils qui gelaient sur place !
Enfin, c’était la fin.
Brusquement, il y eut un choc.
Je criais. J’avais horriblement mal à la cheville et mes membres étaient engourdis.
J’avais la tête qui tournait, je souffrais, mais j’étais toujours vivante.
Etrange.
Je me relevais avec peine, m’appuyant sur un rocher. Ma vue était brouillée et je clignais plusieurs fois avant de pouvoir récupérer ma vue habituelle. Je gémis quand je vis que ma vue ne me serrais pas très utile. Un épais brouillard m’enveloppait. J’avançais avec peine.
Je détestais boiter, ça me donnais une allure pas très gracieuse. Et je n’aimais pas que Zuko me regarde avec cette allure. Mais comme il n’est pas là, je vais faire un effort.
- Raaah ! Qu’est-ce qui va se passer, maintenant ? éructais-je.
Pas de réponse.
- Montre-toi, grosse bête hideuse ! Allez, viens là !
Rien.
- Allez, je t’attends. Le dîner est servi !
Le silence total.
- Tu ne me fais pas peur, espèce de tas d’écailles moisi !
Soudain, il y eut un cri qui se répercuta, un rugissement terrible. Je m’immobilisais.
- OK, je l’admets, tu me fiches la trouille.
Une ombre immense s’avança vers moi. Je distinguais les pattes, larges, griffues. Je voyais aussi son long cou ou était posé une tête. Ou surtout, une gueule. Avec des crocs immenses. Je n’en voyais que l’ombre.
Et j’en étais bien contente.
La tête se pencha, la gueule entre-ouverte.
- Eh, t’es pas si moche que ça finalement.
Elle grogna. Je reculais.
Sa tête était large, noire et, juste autour des yeux, il y avait des petites flammes argentées. Elle renâcla et une fine buée s’échappa de ses naseaux.
- Ah, par contre, l’haleine, c’est à revoir ! m’exclamais-je en agitant ma main devant mon visage.
Elle plissa ses grands yeux dorés, immenses. D’une profondeur incommensurable. On aurait dit les yeux de Zuko. Sauf que je n’ai pas le béguin pour elle !
Hej se redressa de toute sa hauteur de Dragonne. La Mère Porteuse. La première Dragonne. Et elle semblait avoir faim. Aïe.
Mais où était donc le premier Dragon ?
Hey, je ne vais pas m’en plaindre ! Au moins, je ne souffrirais pas déchirer en quatre !
Gloups, je n’imaginais pas finir en déjeuner pour Dragon, mais bon, maintenant que j’y suis !
Elle se dressait, immense, son long cou effectuait de lents balancer hypnotiques et sa gueule produisait des sifflements menaçants.
Je sortis un de mes shurikens les plus efficaces.
- Salut, ma grande.