Mai faisait briller son couteau, assise, dans le jardin. Elle tenait beaucoup à ce couteau non pas parce que c’était son père qui le lui avait offert, elle le détestait, mais simplement parce que c’était un de ses rares moyens de distractions. Elle avait commencé à lancer des couteaux quand Ty Lee l’avait emmenée, ou plutôt traînée, jusqu’u cirque qui s’était installé quelques temps. Après le spectacle, elles avaient observées les artistes et Mai s’était quasiment précipité sur les lanceurs de couteaux. Ils lui avaient prêté un couteau, histoire de se faire bien voir dans la noblesse en acceptant sa demande et l’avait laissé faire un ou deux essais. Il s’était avéré qu’elle était plutôt douée. Elle avait manqué le centre de la cible de quelques petits millimètres. Ils avaient d’abord cru à un coup de chance, mais elle avait réitéré l’exploit. Ils l’avaient alors encouragé à se perfectionner. Elle n’avait pas manqué d’obéir. Elle s’était tenue encore mieux que d’habitude pendant une semaine, puis avait quémandé un couteau à son père. Celui-ci avait accepté, se fichant éperdument de ce que pourrait faire une petite fille de huit ans avec un couteau. Elle s’était alors entraînée avec plus de détermination qu’elle prenait ses cours de danse, de chant, de calligraphie, de dessin, d’écriture, de maintien et de bonnes manières réunis !
Et maintenant, elle atteignait ce qu’elle voulait à la perfection. Mais elle avait en tête d’aller encore plus loin. Elle possédait un couteau, mais réussirait-elle à en lancer plusieurs d’un coup en atteignant la cible ?
Pour cela, il fallait trouver au moins deux autres couteaux. Ensuite, elle voulait essayer les poignards, puis les dagues et enfin les shurikens. Elle vouait une véritable admiration à ces engins de mort précis et tranchants. Parce qu’elle avait trouvé quelque chose dans une utilisation qui lui correspondait parfaitement. Les rames étaient fines et froides, tout comme elle. Sauf quand le prince Zuko passait par là. Alors tout ce qu’elle avait acquit se perdait soudainement. Son sang froid, son calme, sa précision, sa concentration et le maintien de ses lames se perdaient alors dans le regard doré du jeune garçon. Lui n’en savait rien, il ne l’avait jamais vu sauf peut-être quand il l’avait poussé dans la fontaine pour éviter que ses cheveux ne prennent feu. Encore à cause d’Azula. Mai était son souffre-douleur. Sinon, Zuko avait juste vaguement entendu parler d’elle comme étant la fille d’un riche dignitaire et une amie de sa sœur, la cruelle Azula. Elle la détestait, elle et son caractère de dominante. Elle n’avait malheureusement pas le choix. Elle devait se lier d’amitié avec cette fille, pour que sa famille se fasse bien voir. Si elle s’emportait contre la princesse, elle risquait tout l’honneur et la richesse de sa famille mais aussi sa propre sécurité. Elle avait du mal à l’admettre mais la princesse la terrifiait. Quand elle était avec elle, elle ne refusait jamais ce que lui ordonnait la petite tyrannique. De peur qu’elle ne la consume sur place.
Soudain, la petite voix cruelle d’Azula retentit.
- Mai ! Viens jouer avec nous !
Celle-ci soupira, rangea soigneusement son couteau dans sa ceinture en soie et le recouvrit de sa veste. Elle se dirigea vers le lac des tortues-canards. La princesse, Ty Lee et une bonne dizaine de lèches-bottes se prétendant amies l’attendait visiblement. Elle s’approcha d’elles et observa. A leur opposé se tenait Zuko et sa mère Ursa !
Elle ne put s’empêcher ses joues de rosirent légèrement avant de baisser la tête, espérant que personne n’avait rien remarqué. Mais Azula donna un coup de coude à Ty Lee en pointant la pauvre Mai. Elles sourirent toutes les deux et regardèrent alternativement Zuko et la petite fille.
- Il faut avouer que nous avons une belle vue, n’est-ce pas Mai ? demanda la princesse avec un sourire en coin.
- Mais c’est juste le prince Zuko ! se défendit-elle, avec un peu trop de vigueur.
- Je ne parlais pas de lui, Mai. Je parlais du lac et des tortues-canards. Et puis, il y a ma mère aussi, rétorqua t-elle, heureuse que son plan pour la ridiculiser devant toutes ses amies ait fonctionné.
Toutes les filles se moquèrent d’elle. Mai regarda ses pieds, furieuse de s’être si facilement laissée avoir. Elle serra les poings et allait répliquer quand Azula trouver une autre façon de l’humilier encore plus.
- Zuko ! appela t-elle. Zuko, viens jouer avec nous !
Celui-ci fit comme s’il n’avait rien entendu mais Ursa lui donna un coup de coude et sembla lui dire quelque chose. Le prince poussa un long soupir puis fit le tour du lac et rejoignit les filles. Il se planta devant sa sœur. Toutes les filles gloussèrent, sauf Mai qui resta de marbre, redoutant ce que leur préparait Azula. Car ce qui s’était passé à la fontaine était très clair. Zuko et elle n’était que des jouets pour Azula. Des jouets vivants exclusivement pour l’amuser.
- Qu’est-ce que tu veux, Azula ? demanda t-il sèchement.
- Oh, juste que tu joues avec nous ! On va jouer à cache-cache, tu viens ?
Zuko se tourna pour partir mais quand il vit l’expression de sa mère, il se retourna et marmonna un faible « oui ».
- Cool, c’est parti ! s’exclama Azula.
Toutes poussèrent des cris de joie, mais Mai maugréa. Cache- cache ?!
- Mai, Zuko, vous êtes ensemble, moi je suis avec Ty Lee...
Elle continua à faire des groupes tandis que Zuko et Mai se jetaient des regards de biais, gênés. Enfin, Azula cria « c’est parti ! » et tous se précipitèrent vers des cachettes différentes. Mai ne connaissait pas beaucoup le jardin et Zuko la prit par la main, l’entraînant dans la roseraie. Il secoua une vieille porte délabrée et celle-ci s’ouvrit. Mai pénétra dedans, mal à l’aise. L’endroit était sombre et humide, et il y avait beaucoup de roses hérissées d’épines.
- Haha ! Ouah, les amoureux ! s’écria Azula.
Elle referma la porte et la coinça. Mai s’assit par terre tandis que Zuko tapait sur la porte en criant qu’elle le regretterait. Finalement, il abandonna et s’assit à côté de Mai. Elle remua, gênée par la soudaine proximité de leur deux corps.
- Pourquoi tu n’as rien tenté ? demanda soudainement Zuko.
- C’est inutile. Pour le moment. Elle attend justement qu’on s’énerve pour pouvoir se moquer de nous. Alors, on reste sagement assis et elle nous laissera tranquilles.
- Oui, effectivement, vu comme ça.
Il y eut un long silence gêné.
- Hum, ces roses sont étranges… on dirait qu’elles sont noires, fit remarquer Mai.
- C’est parce qu’elles le sont.
- Ah bon ? Je ne savais pas que ça existait.
- A vrai dire, elles te ressemblent. Noires, épineuses, mystérieuses, belles…
Mai se tourna vers lui. Elle le vit rougir.
- Je n’ai rien dit. Oubli ce que je viens de dire, déclara t-il précipitamment.
Mai rougit également sans trop savoir pourquoi et lui prit la main.
- Je ne vois pas pourquoi tu dis ça.
Il détourna les yeux et enleva sa main avec brusquerie. Mai eut l’air blessée. Il soupira.
- Ecoute, je ne veux pas te vexer mais bon, heu, voilà, c’est que t’es pas, disons, vraiment heu… heu non, arrête de pleurer !
Mai était secoué de sanglots incontrôlables. Pourquoi ne pouvait-elle pas s’arrêter de pleurer ?! Il n’avait rien dit de méchant !
- Arrête, je t’en prie ! s’écria Zuko.
Il la prit dans ses bras et lui caressa maladroitement les dos. Mai se mordit la lèvre.
« Arrête de pleurer, bon sang ! Tu es dans ses bras, crétine ! Tu veux qu’il t’évite ?! »
Zuko finit par la lâcher et il releva son menton.
- Chuuuut…
Il lui déposa un baiser sur le nez. Mai écarquilla les yeux et rougit comme une pivoine. Zuko pencha la tête de côté.
- Oh, ça marche…
- Hein ?
- Heu, c’est ce que ma mère fait quand je, hem, je pleure…
- Ha... tu pleures ?
Zuko éclata de rire. Mai parut étonné.
- Qu’est-ce que j’ai dit ?
- Et bien, oui, il m’arrive de pleurer, fit Zuko en souriant.
Mai se rendit compte de l’absurdité de sa question et passa sa main dans sa nuque, gênée.
- Ha, oui, désolé, c’était bête comme question.
- Non, c’est drôle.
Mai sourit.
- Vraiment ?
- Oui. Tiens, c’est pour toi.
Il lui tendit une rose noire.
- Oh, attends.
Il lui reprit puis sortit un couteau. Il voulut couper une épine mais il refusait de la trancher.
- Zut, il n’est pas assez aiguiser !
- Tiens, prends le mien.
Mai lui tendit son couteau
- Tu... as un couteau ?!
- Heu, oui. Je lance.
- Ah bon ? Montre-moi ça !
- Heu, c’est que…
- Allez !
- Bon, d’accord.
Elle se leva, prit le couteau et le lança sans difficulté. Zuko écarquilla ses grands yeux dorés et applaudit avec enthousiasme.
- Waouh ! T’es trop forte !
Mai rougit.
- Merci.
- C’était cool, vraiment !
Elle sourit, fière d’avoir impressionner le prince.
Finalement, il prit le couteau et enleva toutes les épines, puis lui donna, Mai le remercia et utilisa sa science du couteau pour trafiquer la serrure de la vieille porte. Quand ils sortirent, Zuko déposa un rapide baiser sur sa joue, et lui dit, rougissant.
- A demain !
Avant de disparaître aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Mai passa sa main sur sa joue et resta là, les joues enflammées, à murmurer son nom avec tendresse.