Il y a trois ans de cela, au-dessus de la planète Sahra, une petite navette laisse de longues trainées de fumée dans l’espace…
Je transpire. D’un revers de la main, j’essuie mon front perlée de sueur et tente tant bien que mal de reprendre le contrôle de mon vaisseau en flammes.
- Ombre Dorée ! Rendez-vous, c’est inutile de résister !
Me rendre à Solgam ? Jamais de la vie ! Keize peut toujours rêver ! Je pousse les manettes en avant et essaye de semer les vaisseaux de Solgam qui me poursuivent. Ils m’ont créé. Ils n’arriveront pas à me détruire. Toujours incertaine dans mes gestes, je tente de virer. Mais un autre vaisseau de Solgam me serre de près et je suis contrainte de faire une embardée et l’évite de justesse. Un peu plus et c’était la collision. Je maudis ces si bons pilotes et resserre mes longs cheveux blonds autour de la manette de secours. A trois.
Un…
Deux…
BAM ! Qu’est-ce que c’est que ça encore ?! Et merde ! La queue de ma navette part en grandes flammes dévastatrices. Ils ont osé tirer ! Cette bande de… Il faut que j’arrive à reprendre le contrôle et vite ! Pressant rapidement un bouton de couleur rouge qui clignote en me narguant de son triangle « alerte », je jette un œil à Sahra. Tant pis. Je n’ai pas le choix, il faut que je tente d’atterrir sur cette fichue planète. Elle appartient à Solgam, mais je doute qu’ils soient tous incorruptibles. Il y en a bien un qui va me laisser filer. De toute façon, c’est toujours mieux que d’exploser en plein espace.
J’appuie de toutes mes forces sur le levier d’urgence et sens une légère secousse quand les trains d’atterrissages sortent tant bien que mal. Je m’agrippe à mon siège et ferme les yeux pour éviter d’avoir le tournis. Enfin, je peux sentir que ma navette amorce la descente qui promet d’être fastidieuse. Rouvrant mes grands yeux rouges-rosées, je transforme mes cheveux en piques affûtées et les plante dans le cockpit de métal. La pression augmente et je vois mes instruments s’affoler. Bien, il faut que j’attende de rentrer dans l’atmosphère de la planète.
CRAK ! Je tombe en arrière. Une deuxième secousse fait vibrer toute la navette et je me cogne contre une quelconque manette. Mettant une main sur ma bosse naissante, je pousse un juron et observe les trous béants dans mon cockpit avec horreur. Zut, si ce n’est pas écrasée, c’est asphyxiée que je vais finir !
Je me redresse et remonte la navette pour agripper le levier de vitesse et le pousser à fond. Plus vite nous entrerons dans l’atmosphère, plus vite j’aurais de l’air et plus vite je vais m’écraser. Quitte à mourir, mieux vaut ne rien sentir.
Avec une brusque et rapide chute, j’arrive enfin en vue du sol. Ce serait rassurant si je n’allais pas m’écraser. J’essayais de me coller contre la paroi opposé au cockpit, histoire d’avoir une petite chance de m’en sortir. Enfin, une brusque secousse. Tout devint noir.
A ce moment là, au Camp Solgam…
Je prends un verre d’eau et l’avale d’une traite. Quelle chaleur ! Cette planète désertique ne fait pas semblant de l’être ! Je retrousse les manches de ma blouse et sors de ma tente. C’est encore pire dehors. Hum, d’après ce que je me souviens, il y a une source d’eau fraîche pas très loin. Je pourrais jouir des bienfaits de l’eau glacée sur ma peau délicate. Oui, un peu de marche ne me ferait pas de mal.
Je devrais peut-être d’abord attendre un peu et rendre visite à Yori. A deux, c’est mieux. Nue dans l’eau… à deux, c’est toujours mieux.
Je souris. Oui, à deux, tout est toujours mieux.
- Ryoko ?
- Oh ! Akihito !
- A quoi penses-tu pour avoir cette tête là ?
Le grand homme blond réajusta ses lunettes à l’aide de son index et m’observa intensément de ses petits yeux bistre. Je cille, histoire de le charmer un peu. Et ça marche, comme toujours. Il est planté là, à observer mes grands yeux verts pomme. Une main négligemment posée sur ma hanche, je lui fais un petit signe d’au revoir et me détournais. Ah, vraiment, ces chers collaborateurs, je les aime bien, mais ils sont trop suspicieux. Il est peut-être interdit d’avoir des relations intimes avec un quelqu’un dans le Camp, mais après tout, s’ils ne sont pas assez malins pour le voir, c’est que je suis trop maligne pour me faire punir ! J’avance, où plutôt, j’évolue parmi une bande d’hommes qui n’ont d’yeux que pour mon fessier qui effectue de légers balancers (bon d’accord, peut-être pas si légers que ça). Mais tout de même, je ne suis pas la seule femme de l’univers ! Seulement la seule du Camp.
Enfin, j’arrive devant la tente de Yori. Je pousse délicatement la porte en toile et entre. Je le surprends en train d’observer je ne sais trop quoi au microscope. Il ne se retourne pas. C’est vexant. Frappant énergiquement des mains, je le prends par la taille et pose ma tête sur son épaule. Il sursaute.
Outré, il m’observe de ces grands yeux aigue-marine. Qu’est-ce que je les aime ceux-là ! Ne tenant pas compte de son regard de reproches, je l’embrasse sur le nez. Il ne peut pas s’empêcher de m’embrasser dans le cou, puis en pleine bouche. L’avantage d’être attirante…
Je le pousse doucement sur son sac de couchage.
A quelques kilomètres de là, une petite navette crashée en plein désert…
Je tousse. Mes yeux me piquent. Je voulus m’extirper des décombres, mais mes bras retombent mollement. Je suis trop affaiblie. Je dresse mes cheveux et ils font le sale boulot pour moi. Je me redresse péniblement et éteint une petite flammèche sur ma robe. Je me suis crashée en plein désert. La poisse. J’aurais au moins pu écraser quelques scientifiques de Solgam…
Enfin. Je tourne sur moi-même. Il y une espèce de colonne de pics rocheux juste devant moi. Soudain, j’entends du bruit et je m’immobilise, aux aguets.
Deux petits points noirs dans le désert rocheux…
Je prends la main de Yori et l’entraîne vers les pics rocheux. Mais alors que j’allais lui dire de se déshabiller parce que nous arrivions, je vis d’épaisses volutes de fumée grises s’élever dans le ciel bleu. Tiens, un de nos vaisseaux aurait-il eu un accident ?
Je me tourne vers Yori et lui lance un regard interrogateur.
- Allons voir, murmura t-il.
J’acquiesce et nous partîmes aider ce pauvre naufragé.
De l’autre côté du pic rocheux…
Deux silhouettes s’approchent de moi. Un homme et une femme. Ils sont tous les deux de même race, avec de petites oreilles pointues. Parfait, je n’ai qu’à faire du bruit s’ils me veulent du mal.
La femme se penche et lève mon menton à la lumière. Elle lève la main et je m’apprête à riposter mais elle prend juste quelque chose dans sa sacoche. Une sorte de sérum, et un bandage.
- Tu n’es pas de Solgam, ma belle ? me demanda t-elle.
- Non.
Elle ne répondit rien à mon ton sans réplique, froid. Elle était très jolie. Un visage agréable avec de grands yeux vert pomme et un corps d’une perfection remarquable. L’homme aussi était beau. De beaux yeux aigue-marine marquaient son visage pâle et viril. Il possédait une musculature moyenne. Je pourrais le neutraliser sans trop d’efforts.
Je remarquais également un petit détail, infime, sans très grande importance. A leur taille se trimbalait deux fusils neutralisants.
Je gémis. Son sérum piquait atrocement.
- Désolée.
Désolée ? Pourquoi ? Parce que son sérum pique ???? Heu, si elle veut. Pourquoi était-elle gentille ? Ne remarquait-elle pas que j’étais sensé venir démolir leur petit Camp de rien du tout ? Ne remarquait-elle pas que j’étais l’Ombre Dorée ? Et l’homme, qu’en pensait-il ?
Celui-ci prit un autre bandage et enveloppa ma jambe qui me faisait un mal de chien, désinfectant du mieux qu’il put.
Décidemment, ils le faisaient exprès. Et puis, maintenant qu’ils m’avaient soignés, je ne pouvais quand même pas mettre fin à leur jours ? Si ?
Je me relevais mais la femme m’obligea à rester allongée.
- Teuh, teuh, teuh. Reste couché, tu vas te faire encore plus mal.
- Dis-moi, d’où viens-tu ? demanda l’homme.
Coincée.
- Laisse-la, tu veux, dit sèchement la femme. Laisse-la tranquille, ne la stresse pas.
On peut dire qu’elle avait réussi l’amalgame de l’autorité et du charme. Je remarquais qu’elle portait des portes-jarretières, sous sa mini-jupe beige. Avec un débardeur également beige et un chapeau-voile pour éviter de se prendre tout un tas de bestioles et de sables dans les yeux, ou même les cheveux. Elle avait également un papier qui dépassait d’une des poches de sa veste. Discrètement, je l’attrapais à l’aide d’une de mes mèches. Quant elle vit le papier entre mes mains, j’aurais cru qu’elle se mettrait en colère mais elle se contenta de sourire et de m’inviter à l’ouvrir. Ce que je fis sans me faire prier. Oh, c’était simplement une ordonnance pour des analgésiques. Je lui redonne, un peu confuse. Moi qui croyais qu’il s’agissait de chasseurs de prime. J’étais gâtée. Non seulement, je n’étais pas morte, mais en pleine forme grâce à leur bon soin, et en plus j’avais une petite troupe de médecins rien que pour moi !
Et mais, c’est vrai que maintenant que la regarde plus attentivement, elle me dit quelque chose, cette femme…
- Docteur Mikado !
Elle parut surprise.
- Oui, c’est moi, fit-elle dans un sourire. Comment connais-tu mon nom, ma petite ?
Un tantinet vexée par le « ma petite », je ne réponds pas immédiatement, faisant mon petit effet puis leur déclara :
- Je suis l’Ombre Dorée. Et puis, vous êtes connue pour vos talents, à travers la galaxie.
- Oh, j’avais perdue l’habitude de me faire reconnaître avec tout ce sable.
Elle rit. Bon, et moi, alors ? Je suis quand même l’Ombre Dorée ! Pas une mouche ! L’homme semble plus réticent.
- L’Ombre Dorée ?
- Oui, répondis-je simplement, une note de défi dans la voix.
Allez, viens mon mignon, je t’attends.
- Vous êtes venus faire quoi, ici ? demanda t-il, plus agressif.
- Bah, s’écraser, Yori, non ? plaisanta Mikado.
Il grogna. Yori semblait ne pas apprécier ma venue. Et moi, ça commençait à m’agacer qu’elle fasse comme si je n’étais rien d’autre qu’une enfant. Ombre Dorée, elle pige ? Qu’elle est naïve, pour un médecin renommé. Si ce n’est pas stupide. Après tout, une beauté pareille, ça à un prix.
Elle termina son œuvre et m’offrit son bras. Je le pris, m’appuyant de toutes mes forces, espérant la faire tomber. Mais elle tint bon. Par je ne sais quel moyen d’ailleurs. Soit, elle fait exprès de m’énerver, soit elle a une chance inouïe !
Elle fit un signe de tête à Yori. Il hocha la tête. Tiens, ça commence à devenir intéressant.
A ma plus grande déception, ils me conduisirent à une source d’eau fraîche où ils me laissèrent tremper mes pieds dans l’eau. Ils m’interdirent de faire trempette, étant donné que je mouillerais mes bandages.
Mikado se déshabilla sans plus de chichis et plongea. Et Yori ? Elle s’en fichait qu’il la reluque de la sorte ?!
Non, elle s’en fout, elle nage. Bon, avec les vêtements sur le bord : string, soutien-gorge, veste, débardeur, mini-jupe, porte-jarretière. Rien que ça !
C’est plus un médecin, c’est une allumeuse ! Pff, quelle nouille. Voilà, c’est ça, la Mikado renommée que l’on décrit sérieuse et appliquée, tu parles ! Nouille, oui !
Raaah, je ne pouvais pas tomber sur plus facile à maîtriser ! C’est vexant pour moi de me faire mener le bout du nez par cette…
SPLATCH ! Yori poussa une exclamation. Trempé, il rit. Mikado aussi. Attendez, c’est des gamins ?! Elle l’a éclaboussée !
Je soupire, les bras croisés, l’air renfrognée. Mikado surprend mon expression. Elle a un sourire en coin et plonge. Qu’est-ce qu’elle fiche, encore ?
Elle remonte une minute plus tard et me donne ma botte. Fichtre ! Elle était tombée au fond ! Elle a peut-être cru que c’était pour ça…
Mais, wow ! C’est profond et elle a tenu une minute entière ! Tiens, pour une fois elle m’impressionne. Je la prends et la remercie d’un hochement de tête. Elle me sourit. Et là, je comprends leur petit manège : elle embrasse Yori à pleine bouche, doucement, tranquillement. Hem, merci, je suis comblée. Vous pouvez vous décollé l’un de l’autre maintenant, c’est bon, arrêter de vous rouler une pelle…
Elle s’écarte enfin, à mon plus grand soulagement, et caresse sa joue avant de retourner nager. Ha, s’il y a bien une chose qui m’échappe, c’est bien l’amour ! Comment deux êtres font-ils ce… truc ? Coller sa bouche à l’autre, avec de la bave, berk ! Sans façon, j’ai déjà suffisamment de mal à supporter le spectacle !
Sans parler de… coucher ensemble. Là, je ne pourrais pas. Vraiment, non. Je parie qu’ils l’ont déjà fait. Enfin bref.
Elle revient enfin et sors de l’eau, s’étirant avec volupté. Rhabille-toi maintenant. Elle le fait exprès, hein ! Ah, quand même, elle se rhabille.
Elle essore ses cheveux et s’ébroue comme un vulgaire animal.
- Ah, ça fait du bien !
Ouais, ouais, parle pour toi…
- Il faudrait rentrer, maintenant, claironne t-elle.
Heu… rentrer ?
- Hem… Si je me suis crashé, ce n’est pas parce que j’ai perdu le contrôle de mon appareil comme une débutante. On m’a tiré dessus. Solgam.
Mikado cilla et Yori fronça les sourcils.
- Solgam ? Pas possible. C’est une organisation neutre. On est là juste pour travailler sur de nouveaux remèdes.
Ah ? Ils leur ont dit ça pour les embaucher ? Gratis, en plus !
- Et, moi ? Je suis un nouveau remède, peut-être ?
Mikado sembla effarée.
- Ce… Ce n’est pas possible… bégaya t-elle.
- Et si, vous vous êtes fais avoir. Et en beauté. Vous travaillez pour une des organisations les plus douteuses qui soit. Oh, et ils fabriquent des armes vivante, pas des remèdes. Juste au passage.
- Mais… Ils… nous avaient dit… que…
- Vous êtes d’une naïveté, fis-je.
- Figure-toi que nous ne sommes pas devin ! s’exclama Yori, l’air réellement en colère cette fois.
- N’empêche. Je croyais que vous étiez médecins. Un sacré tapage que ça ferait si on apprenait que le célèbre Docteur Mikado travaille pour Solgam.
L’intéressée pâlit.
- Je rêve ! Une gamine nous fait du chantage ! s’exclama Yori, furieux.
- L’Ombre Dorée, rectifiais-je. Bon, laissez-moi partir et tout ira bien, compris ?
- Non.
Je me tournais vers Mikado. Qu’avait-elle cette pimbêche ?
- On va t’aider.
- Hein ??!! Heu, je veux dire, pourquoi ?
Pourquoi voulait-elle m’aider ? Elle est vraiment compliquée, cette fille !
- Je ne veux pas travailler pour une organisation qui modifie les gênes des gens. Je ne veux pas travailler pour des monstres. Tout ce que je veux, c’est faire avancer la science.
J’haussais les sourcils, légèrement troublée, mais n’en laissa rien paraître. Je leur fis signe que j’acceptais. Un peu d’aide supplémentaire ne serait pas de trop.
- Vous avez un vaisseau ?
- Oui, on va prendre le mien, déclara Mikado.
Elle sortit une sorte de bipper et appuya sur un bouton. Un immense vaisseau ne tarda pas à arriver et se poser à os côtés. Ouais, ça c’est cool.
Nous montâmes à bord, mais il y eut une sorte de brouhaha, précédé de coup de feu. Zut, Solgam nous a repérés ! Je monte aussi vite que je le peux, Mikado et Yori sur mes talons. J’entends un bruit mat et un gémissement mais n’en tient pas comte et referme la soute vite fait bien fait.
- Allez, on décolle ! m’exclamais-je.
Pas de réponse. Je me tourne vers eux. Yori s’est fait piqué par une fléchette au bras. Je me demande si c’est du poison. Mikado n’a pas l’air affolée. Elle presse juste son bras pour essayer de faire sortir le liquide rougeâtre. La fléchette dans une main et un bandage dans l’autre, elle le panse et se relève.
- Je ne sais pas ce que c’est, mais je t’ai à l’œil, Yori.
Moi, je sais ce que c’est. Parce qu’on me l’a injectée. Je m’en souviens, maintenant. Ce sont des gênes. De quoi, je ne sais pas. Je préfère ne pas le savoir. Je me détourne. Non, je n’ai pas envie de lui dire ce qui va lui arriver. Je n’ai pas envie de leur faire du mal sans raison. De toute façon, ils n’y pourront rien. D’abord, il va être tranquille. Puis, dans la nuit, il va atrocement souffrir. Et le lendemain, la mutation va commencer. Je ferme les yeux. Je m’en souviens, de ma nuit de transformation. Le regard triste, je fais signe à Mikado de faire décoller le vaisseau. Elle aide Yori à s’asseoir et se mets aux commandes.
Et voilà. Encore un autre. Je jette un œil à Yori. Ce n’est pas franchement une personne que j’apprécie, mais je dois reconnaître qu’il va vivre la même expérience que moi. Et que je ne pourrais plus prétendre qu’il ne peut pas savoir. Le pauvre, quand même. Mikado fait enfin décoller la machine et nous nous envolons dans l’espace.
Quelques heures plus tard, en vue d’une piste d’atterrissage, sur un satellite lointain de la galaxie…
J’actionnais le levier. Le vaisseau amorça sa descente. Poussant les manettes en avant, je nous fis atterrir dans un petit bruit métallique, grinçant. Ce n’était pas une planète, plutôt une station. Une immense station toute de grisaille et de cuivre. Seuls quelques tours qui jouaient avec le ciel étoilé contrastaient de par leurs enseignes lumineuses et aveuglantes.
Je me levais de mon siège et fis signe à Yori et Ombre de me suivre. Ils m’emboitèrent le pas, traînant derrière moi comme deux ombres furtives. Yori semblait sur ses gardes. Ombre passait un regard dénué de toutes expressions sur les grandes étendues de métal. Elle semblait avoir l’habitude de ce genre d’endroit. Elle devait effectivement avoir l’habitude de traquer ses victimes dans ces tristes décors.
Il fallait trouver un casino. Ce genre d’endroit était idéal pour s’informer sans en informer ses détendeurs.
J’en remarquais un. Une grande tour cuivrée avec une enseigne un peu vieillotte qui clignotait. « Crikle ».Drôle de nom. Mais nous n’avions pas le temps de déblatérer sur la qualité. De toute façon, je pousse déjà le lourd battant double du casino.
L’intérieur est étouffant. L’air est lourd, brûlant et une vague odeur d’alcool y flotte. Quelques volutes de fumées bleuâtres nous bouchent notre champ de vision. L’ambiance est plutôt agitée, festive. Idéal pour passer inaperçu. De la lumière tamisée filtre avec difficulté l’air épais de Crikle. J’ai de plus en plus l’impression d’étouffer.
J’avance dans la foule et serre la main de Yori, qui tient celle d’Ombre, histoire de rester ensemble. Je m’avance vers le bar et m’assoit sur une chaise haute en bois. Hélant le barman, je lui demande qui serait le plus apte à renseigner de pauvres inconnus comme nous. Il répond simplement « Elle » et pointe une table de blackjack au fond du casino. Une nuance de crainte perce dans sa voix flutée de petit homme vert. Mieux valait faire comme si je n’avais rien remarquée.
- Qui est-ce ? demanda Yori.
- ‘Sais pas vraiment. ‘S’appelle Mel. On dit qu’elle vient d’un groupe de mercenaires. C’est pas une personne recommandable, si vous voulez mon humble avis de barman. J’vous conseille de pas la contrarier. Ici, c’est elle qui mène la danse.
Il continua d’essuyer ses verres, l’air distrait. Puis il ajouta précipitamment, l’air d’un conspirateur.
- Y’en a qui murmure que c’est une joueuse compulsive, qu’elle triche. Elle gagne tout le temps, même lorsqu’on lui retire ses as des manches. C’est une pro. Elle est louche, qu’on dit. ‘Pas nette, cette fille.
J’hoche la tête, le remercie et me dirige vers la table de blackjack, suivie de Yori et Ombre.
Une femme est assise là. Seule. Elle joue avec un jeu de cartes, les déployant, les rassemblant d’un geste rapide et habile. Elle mâchonnait un chewing-gum de manière très élégante, un peu comme ses doigts jouaient sur les cartes. Les yeux vert-cendré, Mel avait de long cheveux blonds en bataille, coiffées comme un pétard. Le regard vague, elle ne nous remarqua pas immédiatement. Elle a un chapeau aux bords incurvés, avec de petits cordons de cuir reliés par une tête de loup en argent. Vêtue d’un pantalon de velours noir bouffant, avec une chemise de satin noire, elle avait l’air un peu menaçante. Mel était avachie sur sa chaise, passant ses fins doigts sur le feutre noir. Je remarquais qu’elle portait des mitaines en cuir, usées par le temps. Mel le va les yeux, et pendant un instant, j’aperçus des pointes de lumières dans ses pupilles, tels des faisceaux lasers qui percent le brouillard. Elle rejeta sa tête en arrière et éclata de rire. Un petit rire silencieux, moqueur. D’un geste lisse, elle ramassa toutes les cartes. Pourquoi riait-elle ?
- Hum. Mel, je présume ?
Elle m’observa, glaciale, come m’accusant de l’avoir interrompue.
- Vous présumer bien. Qu’est-ce que je peux faire pour vous mam’zelle ?
- Je voudrais quelques renseignements.
- Asseyez-vous, je n’aime pas parlez à des chaises vides. Je le fais assez souvent come ça.
Nous obéîmes et l’observèrent. Ombre semblait la jauger. Mel la regarda, vaguement intéressée.
- L’Ombre Doré ?
- Ne faîtes pas attention, elle n’est pas là en mission, fis-je, irritée du désintéressement soudain de mon interlocutrice.
- Hum. Qu’est-ce que vous voulez ?
- Des informations. Un logement.
- Un… logement ?
- Oui.
Elle nous jaugea à son tour, s’attardant sur Ombre. Elle semblait craindre quelque chose.
- Flics ?
- Hein ? Heu, non.
- Bien. Je peux quelque chose pour vous.
Elle se remit à jouer avec ses cartes, le regard vague.
- Dans l’immédiat, il nous faut un logement. On peut attendre pour les informations.
- Vous êtes en fuite, pas vrai ?
Je sursautais, Yori et Ombre se raidissant. Mel rit de son rire étrange. On aurait dit… une sorte de grognement, un petit cri de charognard, qui fait froid dans le dos. Il y avait quelque chose d’animal, d’inquiétant chez elle.
- Faîtes pas cette tête là ! Chuis pas flic !
Elle croisa ses bottes cloutées sur la table, jouant avec ses cartes. Et, comme pour prouver ses dires, elle sortit habilement quatre as de sa manche, rit de nouveau, et les plaça dans son jeu, ses yeux se réduisant à deux fentes. Ce regard était triste, inquiétant. Il était désagréable de le sentir sur soi.
Elle sifflota un petit air et leva de nouveau les yeux. Son visage pourtant rieur avait un quelque chose d’étrange, de particulier. De profonds cernes noirs marquaient ses yeux qui flashaient étrangement sur son visage pâle. Son petit nez retroussé s’agita et elle sourit, étirant ses lèvres, et découvrant des dents d’une blancheur éclatante, très pointues. Décidemment, cette femme avait tout d’un carnassier.
- Alors, vous…
Mais je n’eus pas le temps de terminer ma phrase qu’un homme s’approcha de nous. De taille moyenne, les cheveux noirs, les yeux d’un bleu intense, il posa ses mains sur le dossier de la chaise de Mel. Elle fit comme si de rien n’était et m’invita à poursuivre. Il soupira et se plaça juste devant elle. Mel passa ses doigts sur le sabot de cartes et leva des sourcils si lisses qu’on les aurait crus peints.
- Mel.
- Andi. Que me vaut l’honneur de ta royale présence ?
Il gloussa. Il avait une vois très rauque. Il était beau. Il s’assit et prit le poignet de Mel, l’obligeant à le regarder. Elle grimaça.
- Je pari, si c’est ce que tu veux. Sans tricherie.
- Et moi, je pari que tu vas dégager, et vite fait !
- Nie-le.
- Niez quoi, Andi ? demanda t-elle, agacée.
- Tu l’as fait, hein ?
Elle grogna et chassa une mouche imaginaire.
- Plus tard, j’ai des clients.
- Très bien. Je viens avec vous.
- Dégage, Andi.
- Je paye. Tout ce que tu veux.
Elle resta silencieuse, caressant une carte d’un doigt expert. Il s’avança et lui donna plusieurs pièces. Je ne connaissais pas cette monnaie. Elle secoua la tête.
- Je ne voulais pas en arriver là, Mel.
Il sortit plusieurs enveloppes de sous sa veste et les lui tendit. Elle les prit avec précaution et sortit le contenu, faisant défiler plusieurs documents. Elle les remit soigneusement dans leurs enveloppes et garda le silence un instant, se mordant la lèvre.
- Très bien, tu as gagné, petit malin. Tu l’auras, ta danseuse. Mais une seule. Compris ?
- Ok.
- Bon, vous, suivez-moi, ajouta t-elle à notre attention.
Enfin ! Pensais-je. Nous nous levâmes et Mel nous fit passer par la porte arrière, « préférant éviter deux ou trois personnes à qui elle devait de l’argent ».
Je pus enfin respirer le bon air frais. Comment pouvait-elle passer son temps à l’intérieur de ce casino ? Je remarquais qu’elle avait gardé son jeu à la main, jouant encore et toujours avec les cartes.
Je marchais aux côtés de Yori, le laissant s’appuyer sur mon bras, Ombre marchant à nos côtés. Elle lui jetait de fréquents regards, peut-être avec une nuance d’inquiétude, difficile à déceler. Qu’avait-elle à le regarder de la sorte ? Serait-il possible que… qu’elle sache quelque chose ?
- Tu peux marcher seul un petit moment ?
- Oui, ça va aller, Ryoko, merci.
Je le lâchais et entraînais Ombre à l’écart.
- Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, fis-je.
Elle haussa les sourcils.
- Je sais que tu es au courant de ce que ce liquide trafique en Yori. Ne fais pas l’innocente et dis-moi ce que c’est. Je veux le guérir.
Elle sembla hésiter.
- Ce n’est pas une vérité que vous aimeriez entendre, Docteur Mikado.
- Dis toujours, Ombre.
- Heu… il… c’est un liquide qui transmet des gênes…
Ombre hésita longuement avant de poursuivre…
Rien qu’à voir la tête qu’elle fait alors que j’ai à peine commencée, ça ne me donne pas envie de poursuivre. Mais elle me fait un signe de tête, déterminée. Je soupire.
- Je ne sais pas exactement ce que sont ces gênes, mais je sais qu’il va muter cette nuit. Et qu’il va atrocement souffrir.
Elle aurait fait la même tête si je lui avais enfoncé un couteau dans le ventre.
- Comme moi, murmurais-je en baissant la tête.
- Je suis désolée.
Elle passa un bras autour de mes épaules mais je me dégageais.
- Laissez-moi ! Je n’ai pas besoin de votre pitié. Vous n’avez qu’à vous en prendre qu’à vous-même. C’est votre faute. Vous fabriquez ce genre de choses.
Ses yeux se mirent à briller et elle gémit, enfouissant sa tête dans ses mains. Oh, non ! Pitié pas ça ! Arrête de chialer, bon sang, je déteste ça ! Mais en même temps…
Je vois qu’elle se sent horriblement coupable. Je connais ce sentiment. Et je ne l’aime pas. C’est pour ça que je ne le ressens plus. Je soupire et la secoue doucement.
- Tous ces gens… qui mutent… par ma faute…
- Taisez-vous.
Elle relève la tête.
- Ce qui est fait est fait. On ne peut plus reculer. Il faut aller de l’avant. Il ne sert à rien de s’apitoyer.
Elle m’observa un instant et hocha la tête en essuyant ses yeux humides. Gênée, je prends une de mes mèches et l’entortille autour de mon doigt. Qu’est-ce que je suis censé dire ?
Brusquement, un cri. Nous nous retournâmes, effrayées. Yori s’est écroulé par terre et se tord de douleur, convulsant à moitié. Mikado se jette sur lui et tente de le calmer à l’aide médicaments.
Trop tard, Docteur, trop tard. La mutation a commencé. Mais je sais qu’elle ne pourra jamais se contenter d’attendre et de le regarder souffrir le martyre. Je détourne les yeux. Je n’ai plus envie de revivre ça, même à travers un autre.
Mel semblait s’en foutre royalement. Elle attendait, les bras croisés, adossée à un mur de brique défraichis. Andi semblait indécis.
Plusieurs heures se sont écoulées depuis le début de l’agonie de Yori, la mutation est achevée…
Mikado poussa un cri de désespoir déchirant et tituba de fatigue. Elle était restée éveillée toute la nuit pour essayer d’aider Yori. Mel avait tenue sa promesse et nous avaient installés dans une sorte de chambre d’hôte. J’avais dû supporter ses cris toute la nuit. Andi avait disparu avec sa danseuse, après s’être attardé un moment dans la chambre de Mel, à « discuter » comme ils prétendaient.
Je m’étirais et me levais, m’approchant du Docteur Mikado. Elle avait une sale tête. De grands cernes violacés soulignaient ses beaux yeux et ceux-ci étaient rougis. Elle avait également l’air exténuée.
- Il faut partir, Docteur. Solgam ne tardera pas à nous retrouver.
Elle ne répondit rien. Ce devait être la première fois qu’elle échouait. C’est vrai. Elle avait échouée. L’échec était quelque chose de difficile à supporter. Surtout quand l’enjeu était aussi grand.
Finalement, elle se leva et lâcha la main de Yori, qui pendait mollement, dénuée de tous signes de vie. Je savais qu’il était vivant. Mais je ne savais toujours pas en quoi il avait muté.
- Je vais dans la salle de bain, déclara t-elle, complètement abattue.
Quelques secondes plus tard, j’entendais l’eau couler. L’eau allait la soulager, l’apaiser un peu ; ça allait lui faire du bien.
Je m’assois sur le lit et observe Yori. Il bouge. Je me redresse. Je suis très curieuse du résultat.
C’est horrifiée que je remarque que ses beaux yeux aigue-marine sont devenus d’un rouge sanglant.
Yori se lève, il a faim…
Je me redresse. Je suis nu. Ryoko a voulu me soigner, je me rappelle maintenant. Ryoko… quand je pense à elle, une étrange sensation m’envahit. Quelque chose comme… une faim immense, dévastatrice.
Quand je veux ouvrir mes yeux, je ne vois rien. Juste des couleurs. Rouge violent, violet-rosé et une légère touche de vert.
- Yori, tu m’entends ?
C’est la voix d’Ombre. En l’entendant, je suis un peu plus rassuré.
- Oui, je ne vois rien, Ombre, aide-moi ! Je t’en supplie ! Et j’ai faim, j’ai horriblement faim…
La tache rouge violent s’approche et semble se baisser devant moi. Une sorte de main de même couleur prend la mienne et la serre.
- Est-ce que tu sens ma main ?
- Oui. Ombre qu’est-ce qui m’arrive ? gémis-je.
- Quand tu dis que tu ne vois rien… est-ce que tu vois des couleurs ?
- Oui.
- Décris les-moi.
Pourquoi devenait-elle soudainement aussi douce, attentionnée envers moi ?
- Je vois une tache rouge violent devant moi et j’ai l’impression qu’une petite lueur de vert se cache aux extrémités. Il y a aussi une autre couleur. Violet-rosé, vers ma droite.
- Hum. Tu vois nos auras, Yori. Ce sera ta vision du monde maintenant.
- Quoi ?! Mais…
- Tais-toi. Arrête de paniquer, ça ne sert à rien.
- Tu peux parler, toi ! Tu n’es pas à ma place !
- C’est faux. J’ai autant souffert que toi par le passé. Mais je suis au regret de t’informer que je ne suis pas devenu un Suudlus, moi.
- Un… un Suudlus ?
Je sais ce que c’est, et ce n’est pas bon signe.
- Tu as faim, pas vrai ?
- Oui.
- A quoi penses-tu ?
Quelle indiscrétion ! Mais je pense qu’elle veut m’aider…
- A… à Ryoko.
- Et… tu as faim en pensant à elle ?
- Oui. C’est pas bon, pas vrai ?
Elle resta silencieuse. Je savais que j’avais envie de me nourrir d’elle, de tout ce qui faisait d’elle un être vivant, d’aspirer la moindre petite chose. Non, je ne suis pas un vampire. Ce n’est pas de sang que j’ai envie. Mais de flux, d’aura. Ce que je vois comme des tâches colorées sont en fait de potentielles victimes. Le rouge violent m’indique que c’est très puissant, mais que son goût est plus amer. Le rose est délicat… J’ai faim et je veux à manger. Jusqu’à ce que la couleur se fasse comme aspirer et que le corps sans vie tombe par terre…
Brusquement, je ne me contrôle plus. Je me lève et fonce tout droit sur la tâche rosée. Je sens une porte que j’ouvre et j’entends comme un froissement. Des gouttes tombent par terre et j’entends un gémissement.
- Yori !
La tâche violet-rosé se jette sur moi. Quel doux parfum… J’ai faim.
- Tu... tu vas bien, mon Dieu, merci ! Oh… tes yeux !
Je sens des gouttes salées couler le long de mon torse.
- Je t’aime, qu’est-ce que je t’aime Yori… Tu vas bien…
Automatiquement, je n’ai plus faim. Elle m’a apaisée. Je la serre contre moi.
- Ryoko…
La tâche rouge violent s’agite derrière.
- Bon, c’est bientôt fini vos effusions de larmes ? Il faut y aller.
- Ah, oui… Excuse-nous, Ombre, renifla Ryoko.
Plus tard, après avoir terminé les derniers au-revoir…
Je prends le sac de Mikado et le lui donne, les pressant. Yori a toujours du mal à se déplacer. Mais il s’en sort mieux, maintenant, il cesse de se prendre les murs, c’est déjà ça.
Nous nous dirigeons vers le vaisseau de Mikado, espérant que Yori ne se fasse pas trop remarquer avec ses yeux rouge sang.
Brusquement, des gars armés nous barrent la route. Solgam !
- Docteur Mikado ! s’écrie Keize. Rendez-vous. Vous valez mieux que ça.
- Oui, vous avez raison, je vaux mieux que ça. Je ne mérite pas de travailler pour vous.
L’ironie perçait clairement sa voix. Et aussi quelque chose de nouveau pour elle. De la haine. Tout était à cause lui.
Et je la comprenais.
Keize ricana. Il sortit une arme et la braqua sur nous.
- Dans ce cas, tant pis pour vous « Docteur ».
Il tira. Yori se précipita devant elle. Il prit tout. Il tomba, comme au ralenti, dans un bruit mat. Il était immobile, recroquevillé.
Mikado hurla. Quelque chose entre le désespoir et la rage. Elle voulut attaquer Keize, mais je la retins par le bras.
- Non, Docteur, murmurais-je. Laissez-moi faire.
Je m’avançais vers eux, les mains en l’air en signe de reddition.
- Je me rends si vous l’épargnez.
- Intéressant. Mais ça ne va pas être possible. Désolé Ombre Dorée. Nous, on prend tout.
Les soldats rirent. Moi, je ne riais pas, je fulminais. Ils avaient tué Yori. Ce n’est pas que j’éprouve une grande affection pour lui, mais je l’appréciais, et ça, c’était déjà beaucoup pour moi.
Menaçante, je dressais mes cheveux en l’air et les balançaient sur les gars. Ils tirèrent. Je réussis à protéger Mikado et à éviter les lasers mais plus pour très longtemps.
A notre plus grande surprise, Yori se releva. Il y eut un silence. Il grogna.
- Désolé de vous décevoir, Keize, mais les gênes que vous m’avez implantés m’ont rendu bien plus puissant.
Il se jeta sur eux et se nourrit automatiquement. On pouvait voir diverses couleurs qui se mélangeaient et que Yori aspirait. Une sorte de transe, de danse étrange. J’écarquillais les yeux. C’était à la fois terrifiant et somptueux.
- PARTEZ ! JE VOUS COUVRE ! hurla Yori.
- Non ! Yori ! cria Mikado.
Je la pris par le bras et l’entrainais. Désolé, Yori. Merci, Yori. Pardonnez-moi, Docteur Mikado.
Elle protesta mais je la fis grimpez dans son vaisseau à l’aide de mes cheveux. Elle se débattit. Et réussit à se libérer. Je devais lui courir après ! La poisse. Je la poursuivais entre les flots lumineux et les tirs lasers, espérant silencieusement qu’elle ne se ferait pas tirer dessus ou pire. Absorber son énergie par son amant. Elle s’éloignait de moi et se rapprochait dangereusement de Yori. Si elle l’approchait dans cet état là, il ne verrait pas la différence et profiterais de son aura pour se nourrir. Il fallait à tout prix que je l’en empêche.
- DOCTEUR MIKADO ! NON !
Keize avait braqué son fusil sur sa tempe. Il l’avait immobilisée.
- Adieu, Docteur, susurra t-il à sa délicate oreille pointue.
Son doigt enclenchait lentement la gâchette.
- Hey ! Tronche de cake !
Il y eut un BANG ! sonore et Keize se prit une carte en acier tranchante dans la main. Il lâcha l’arme en hurlant. Je me tournais vers notre sauveur. Ou plutôt, notre sauveuse.
- Mel !
- Et ouais. Su vous racontez à mes clients ce qui s’est passé, que je vous ai sauvé la mise, je vous tue ! Allez, dégagez avant que je ne change d’avis.
Mikado sourit.
- Merci Mel, nous n’oublierons pas ce que vous avez fait pour nous.
- Allez, ouste, du balai !
Je pris la main de Mikado et l’entrainais.
- Et Yori ? Il faut l’aider !
- On n’a pas le temps ! Il nous offre une chance de nous en tirer, ne la loupons pas. De toute façon, à cause de ses gênes, il ne pourra plus vous touchez sans avoir l’envie irrésistible de voler votre aura.
Elle faisait une de ces têtes. Tant pis, nous n’avions pas le temps pour une autre séquence émotion. Je la poussais et fonçais fermer la soute.
- Docteur, prenez les commandes, dépêchez-vous !
Elle se dirigea vers les manettes, lentement, un peu comme un zombi.
Elle aime Yori, pensais-je.
Nous décollâmes. Il y eut un silence. Je voyais les épaules de Mikado s’agiter au fur et à mesure qu’elle sanglotait. Je crus entendre quelques « Pardon, Yori ».
- Docteur Mikado.
Elle renifla.
- O… oui ?
- Vous savez, je sais ce que ça fait d’être séparer d’un être cher. Je ne vous ai pas entrainée pour le plaisir, vous savez.
- Je le sais, Ombre, dit-elle d’un ton las. Je n’aurais jamais pensé ça de toi.
Un autre silence s’installa. Je le brisais, à ma propre surprise.
- On m’a séparée de ma mère quand j’avais six ans.
- Oh, je suis vraiment désolée. J’imagine que c’est encore de ma faute…
Elle se remit à sangloter.
- Docteur, je ne pensais pas ça, quand je vous ai dit… ce que j’ai dit. Je ne vous en veux pas, vous savez. Je vous aime bien.
Ces mots me surprirent moi-même. Je l’aimais bien ? Oui, je l’aimais bien.
Elle sourit.
- Merci, Ombre.
Alors qu’un silence s’installait de nouveau, il y eut une secousse et la soute s’ouvrit. Nous fûmes projetées en arrière. Solgam nous poursuivais.
Mikado se tenait tant bien que mal à un morceau de métal, aspirée par l’espace. Quant à moi, je me dirigeais vers elle pour l’aider. Elle secoua la tête.
- Ombre ! Change de galaxie ! Vite ! Avant qu’ils ne nous rattrapent ! Sauve-toi !
- Mais…
- Obéit !
Je remontais le vaisseau et atteignit les manettes à l’aide de mes cheveux. Une galaxie, vite ! Une à laquelle Keize ne penserait jamais. La Voie Lactée. C’était un nom tellement débile qu’il ne penserait pas à vérifier. J’hésitais. Si je changeais d’espace temps, le Docteur Mikado allait être aspirée dans l’espace. Je me tournais vers elle. Son regard n’était plus troublé de larmes, il affichait une farouche détermination. Je pus lire « va-y » sur ses lèvres.
J’appuyais.
- Excusez-moi, Docteur Mikado.
- Ne t’excuse pas. Je suis sûre que nous nous reverrons, P’tite Ombre.
Je l’observais. Personne ne m’avait jamais appelée « P’tite Ombre ». C’était un surnom affectueux. Et c’était étrange.
Nous fûmes projetées en avant et j’entendis une sorte de « Woooush » à l’arrière. Mikado tenait tant bien que mal. Moi, je me retenais à l’aide de mes cheveux. Nous arrivâmes. Soulagée, je me tournais vers Mikado. Elle m’adressa un sourire et soupira. Elle lâcha.
- DOCTEUR MIKADO !
Quelques années plus tard, dans un certain manoir…
- Yori ?
Mes cheveux retombèrent.
- Tu es vivant ?
- Sans blague !
Il rit.
- Je réussi pas mal de choses maintenant. Je peux toucher Ryoko sans lui faire trop mal. Mais je ne peux pas l’embrasser. Mais, enfin, passons. ET toi ? Qu’est-ce que tu deviens ?
- Comment ? Comment t’en es tu sorti ?
- Comme Ryoko. Par un miracle. Elle, c’était d’atterrir sur Terre en pleine forme malgré sa lente dérivation dans l’espace. Moi, c’était de bien savoir faire le mort ! Depuis ce temps là, j’ai passé mon temps à vous chercher.
Je ressentis comme une vague de chaleur. Une de celle que j‘avais reçue quand le Docteur Mikado m’avait appelée « P’tite Ombre », une de celle quand Mikan m’appelle de la même façon. Je crois que c’est du bonheur.
J’entends un gémissement. Je me tourne vers Mikado. Oh, non ! Qu’est-ce que j’ai fait ? Je me précipite vers elle et l’aide à se relever.
- Est-ce que ça va ? Je suis vraiment navrée, Docteur…
Elle sourit.
- Ce n’est rien P’tite Ombre. Juste une petite migraine.
Tout en la laissant s’appuyer sur mon bras, je me tourne vers Yori.
- C’est toi ? Tous ces meurtres…
- Oui.
Il détourne les yeux.
- Il ne faut pas que je reste. C’est ma faute.
Mikado se mordit la lèvre.
- Non, Yori, je t’en prie, c’est ma faute. Je n’aurais pas dû te pousser à… à aller si loin.
- Non, je ne peux pas rester, Ryoko, c’est trop dangereux.
- Mais…
- Mais je n’ai pas envie de partir. Je vais rester. Mais… je devrais en rester là, Ryoko. D’accord ?
Elle s’approcha de lui et il prit ses mains dans les siennes. Elle posa doucement sa tête contre son torse. Elle prenait garde à ne pas réveiller son instinct.
- Docteur Mikado, Yori.
Ils se tournèrent vers moi, l’air interrogateur.
- Si Yori reste, c’est une responsabilité importante. Vous devez dire la vérité à la princesse Lala, à Mikan, aux autres. Vous leur devez. Des gens sont morts par votre faute. Vous devez leur dire.
Ils s’observèrent, inquiets. Il y avait aussi de la culpabilité dans leur regard.
- Je crois que ce n’est pas la peine, Docteur.
Nous nous retournâmes, surpris.
- Rito !
- Tu… tu as tout entendu ? demanda la Docteur Mikado, légèrement tremblante.
- Oui. Et je crois que vous avez agi par pur égoïsme. Vous allez devoir expliquez ça à Lala.
Il croisa ses bras et décocha un regard glacial à Mikado.
Elle pâlit.