Echoes of Crisis | Auteur: Ako-Cissnei | Vue: 319 |
[Publiée le: 2020-11-18] [Mise à Jour: 2020-12-02] | ||
13+ Signaler | Romance/Drame/Action-Aventure/Mystère/Yaoi (HxH)/Amitié/Steampunk | Pas de commentaire |
Entre les événements de Crisis Core et de Final Fantasy VII, la naissance du groupe AVALANCHE provoque le déclin de l'ordre du SOLDAT au sein de la compagnie ShinRa. La disparition du SOLDAT première classe Yoo Kihyun déclenche la fureur de ses anciens compagnons, en particulier de son binôme Son Hyunwoo, tandis qu'un groupe de jeunes troisième classe découvrent peu à peu les rouages du pouvoir. [ showki ] [ hyungwonho ] [ joohyuk ] [ side ! changchris ] (changkyun / bang chan) | ||
Crédits: L'univers de Final Fantasy VII Compilation appartient à Square Enix. Les personnages appartiennent aux groupes de kpop Monsta X, Stray Kids, Sistar (et je crois que c'est tout). Je crois qu'il me reste les dialogues qui m'appartiennent O:) |
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CD 2[8141 mots] |
Publié le: 2020-12-02 | ![]() |
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-Ah mais vous vous foutez de notre gueule ? On prend la rouille à tourner en rond ! Comment ça se fait qu’en temps de guerre, on n’ait aucune mission ? s’étrangla Changkyun de désespoir.
-Surveillez votre langage, pour commencer ! Lui intima la directrice Yoon, visiblement peu encline à faire la causette à un jeune homme mal léché.
Profitant de la diversion créée par son ami râleur, Chris se rapprocha le plus possible du bureau, essayant, l’air de rien, de grappiller quelques infos sur les rapports étalés en vrac. Changkyun continua son drame derrière lui, faisant assaut de plaintes et de jurons, et pour une fois encouragé par Jisung qui relançait la conversation lorsque le plus grand était en manque de répartie. Sewoon quant à lui, s’ébouriffait les cheveux en essayant de ne pas rire alors qu’il supervisait les actions de Chris et des deux autres.
« Ça suffit ! Vous n’êtes pas aptes à accomplir des missions pour l’instant, c’est tout ! » « mais putaiiiin, on veut juste vous aider, c’est incroyable ça ! » « VOTRE LANGAGE, JEUNE HOMME » « ta mère ! » « PARDON ? » « non, non, rien, excusez-moi, c’est la frustration... » Alors que le fond sonore se perdait dans son inanité, Chris nota avec soulagement qu’ils n’avaient pas monté tout cela en vain. Le papier qui était ouvert sous ses yeux mentionnaient clairement les disparitions de SOLDATs -particulièrement les troisième classe. Il mémorisait le plus d’éléments possible, et se retint de réagir en constatant que les SOLDATs disparaissaient toujours lorsque les mystérieuses explosions avaient lieu. Le rapport semblait statuer que les deux événements étaient liés, que les attaques terroristes étaient un moyen pour les assaillants de faire diversion avant de s’attaquer aux SOLDATs sur place. Il ne vit rien mentionnant Kihyun, ce qui le fit grimacer alors qu’il réalisait que son rapport personnel devait être hautement classifié. Sans doute faudrait-il l’aide d’un première classe -au moins- pour pouvoir y accéder. Néanmoins, il était tout à fait clair que le directeur Yoon considérait que son quatuor de troisième classe étaient trop précieux pour servir d’appât. Il y avait là une constatation douce-amère que Chris ne savait pas comment aborder : le fait de savoir qu’ils étaient plus précieux que prévu pour la ShinRa, ou le fait qu’ils soient encore considérés comme des enfants inaptes à être efficaces sur le terrain.
Le rapport parlait surtout d’éboulements causés par les explosions, les mines avaient servi à détruire la milice, et en parallèle, les montagnes de Modeoheim avaient été bombardées pour qu’une avalanche détruise le laboratoire de fortune qui avait été monté à côté de son flanc. Une partie d’un autre village Mako avait disparu dans un écrasement de terrain. A côté de cette mention dans le rapport, une astérisque, et Chris eut tout juste le temps de voir que l’annotation conduisait à une lettre signée à la main, mais dactylographiée, avant que la directrice Yoon ne s’empare brusquement de son dossier.
- Je verrais ce que je peux faire pour vous au retour de l’équipe de Minhyuk. Maintenant, rompez, j’ai mieux à faire que de donner suite à ce dialogue de sourds !
Chris fit un signe de tête à Sewoon qui donna le signal de la retraite aux deux autres, qui se calmèrent aussitôt. Ils ne prirent pas la peine de répondre à la question muette formulée par le froncement de sourcils de la directrice, qui semblait trouver leur attitude suspecte, et filèrent sans demander leur reste.
*
Quand Sewoon ferma la porte qui affichait encore tristement le nom du directeur Lazard, il laissa les trois autres prendre un peu d’avance dans le couloir avant de les suivre doucement. Il réfléchissait à un endroit tranquille pour que Chris puisse leur expliquer ce qu’il avait lu sans oreilles indiscrètes qui traînaient. Son ami, sous ses airs de séducteur immature inhérents à son origine -Costa Del Sol était une station balnéaire bien connue pour être l’un des seuls lieux exclusivement dédiés aux loisirs du continent- possédait une mémoire photographique exceptionnelle, et bénéficiait en plus d’une vue acérée et hors du commun, encore améliorée par la Mako. Chris était un éclaireur hors pair, capable de repérer une aiguille sur un sol en bitume à une trentaine de mètres, et il avait vivement protesté lorsque son entrée au SOLDAT l’avait forcé à abandonner arcs et arbalètes pour ne plus se concentrer que sur le maniement de l’épée. Il avait eu du mal à s’adapter au style de combat rapproché qu’affectionnait son ordre militaire, les armes à distance étant surtout l’apanage des TURKS -et donc lui avaient valu un profond mépris et rejet de ses camarades jusqu’à ce que Changkyun ne se laisse mettre K.O par son camarade. Sewoon avait toujours su que le plus grand avait fait semblant de perdre ce combat dans leur première évaluation trimestrielle, étant donné que personne ne pouvait vaincre Changkyun à l’arme lourde, épée broyeuse, marteaux géants, et haches lourdes. Il n’était pas certain que Chris ait été conscient de ce que son ami avait fait pour lui ce jour-là, en tout cas, personne n’était jamais revenu sur cet événement, et Chris n’avait plus réussi à battre aucun de ses trois camarades -même Jeongin-, mais sa confiance en lui s’était retrouvée incroyablement améliorée.
Tout à ses pensées et à ses souvenirs, Sewoon ne vit pas le grand jeune homme lui rentrer dedans, et sursauta dans la foulée en entendant le bruit du verre heurter le sol.
-Oh pardon, Hyun, je ne t’avais pas vu !
-Pas de mal, sourit l’autre en ramassant ses lunettes, tandis que Jet fronçait inévitablement le nez.
-C’est blindé de feignasses dans ces couloirs, on dirait des fourmis…
-C’est pas la peine de frimer ! Rugit Jisung de l’autre côté du couloir, je ne te vois pas en mission non plus !
-J’allais récupérer mon quarante-sixième ordre de mission, figure-toi, rétorqua l’autre, la satisfaction suintant par tous les pores de son visage hautain.
-QUARANTE-SIX ? Hurla Jisung, tellement outré que son visage se mettait à rougir graduellement.
-C’est une honte, gémit Changkyun, pourquoi toi t’es toujours en vadrouille et nous, emprisonnés comme des cons ?
-Peut-être parce que je fais mieux mon travail ?
Hyun, redressé, lança un coup de coude dans les côtes de son partenaire.
-Arrête, ça n’a rien à voir !
Jet grogna en réajustant sa cravate.
-Ouais… Désolé. Te bile pas, l’homoncule, ça veut juste dire qu’on protège plus votre cul que le nôtre.
Sewoon retint un éclat de rire en entendant Jisung demander discrètement à Chris ce qu’était un homoncule sans même arriver à le prononcer correctement, et interrogea Jet qu’il s’étonnait de voir éviter son regard au possible.
-Comment ça ? On est plus là pour aller au front, justement.
Jet haussa les épaules.
-Faut croire que vous avez eu trop de pertes. Pas nous. Et surtout, vous ne pouvez pas être retournés contre la ShinRa.
-Qu’est-ce que…
-Allez, fin de la pause ! s’exclama la voix de Hyun, moins posée qu’à l’accoutumée.
Jet pinça les lèvres, les réduisant à une simple ligne blanche, sans regarder Sewoon pour autant, à qui il venait pourtant visiblement de livrer une information qu’il n’aurait sans doute pas dû.
-On va y aller, on a une montagne de choses à faire ! Vous en faites pas, on se revoit sûrement bientôt sur le terrain !
Et de traîner son partenaire qui obtempéra sans un mot de plus. Sewoon les regarda fixement, un sourcil arqué.
-Retournés ? Répéta Chris.
-Contre la ShinRa ? Ajouta Changkyun.
-C’est quoi un momocule ? Babilla Jisung.
-Je n’ai pas compris plus que vous, murmura Sewoon, l’attitude étrange des deux TURKS tournant en boucle dans son esprit.
*
-Yoo Kihyun, première classe du SOLDAT !
La fierté brillait si fort dans les yeux du petit jeune homme que les deux autres ne purent s’empêcher de sourire, attendris. Ils connaissaient bien Kihyun, suffisamment pour savoir qu’il avait sans doute encore plus mérité qu’eux sa place dans leurs rangs. Hyunwoo avait eu l’occasion de former les deuxième classe à plusieurs reprises, sans jamais les avoir considéré comme en-dessous de son rang toutefois. Il avait toujours eu du mal à donner les ordres, et lorsqu’il s’agissait de Minhyuk, Kihyun ou Soyou, il avait tendance à leur faire confiance avant tout, et aucun d’entre eux ne l’avait jamais déçu. Il connaissait la nature du plafond de verre au-dessus de leur tête, sachant pertinemment que l’on ne devenait première classe uniquement lorsque la ShinRa avait un projet particulier à mettre en place. Il avait donc adapté son comportement avec ses collègues de manière à toujours travailler en équipe, plutôt que de se faire passer pour un stratège autoritaire qu’il n’était pas. Si ses missions avec Minhyuk ou Soyou s’étaient toujours déroulées à merveille, il appréciait tout particulièrement de travailler avec Kihyun, beaucoup plus bavard et avenant que les deux autres.
-Bienvenue parmi nous, Kihyun, lui sourit Hyunwoo.
Il sentit un pincement dans sa poitrine en ressentant la pleine chaleur du sourire que lui renvoya l’autre, plus radieux que jamais.
Lorsque la porte du laboratoire s’ouvrit sur un Hoseok plus déprimé que jamais, sans doute après un adieu déchirant à Hyungwon, Hyunwoo bondit de son siège. Ils n’échangèrent pas un mot, les dents serrées de son ami lui indiquant la difficulté qu’il avait à ne pas se ruer à l’intérieur de la pièce pour embrasser une dernière fois son amant. Le plus grand se contenta de poser une main qu’il espérait réconfortante sur l’autre de l’autre, et de serrer doucement, mais fermement, pour qu’il ne se sente pas seul.
-Hoseok, n’oublie pas de revenir demain, on se retrouve dans la salle d’entraînement du huitième étage ! Lui lança Felix, l’apprenti de Hyolyn, pour lequel les deux SOLDATS avaient déjà un tantinet plus d’atomes crochus.
Le jeune assistant avait la décence de toujours paraître désolé lorsque Hyungwon ou Hoseok grimaçaient ou protestaient à cause de la douleur de leurs manipulations, et avait à cœur de ne jamais trop surmener Hoseok lors des phases de test, s’opposant bien souvent à Hyolyn qui l’aurait probablement poussé jusqu’au coma sans remords. Son but premier était le bien-être -au possible- de ses sujets d’études, et Hyunwoo s’était toujours demandé comment un apprenti aussi bienveillant et empathique avait fini par se retrouver dans l’un des laboratoires les plus glauques de la ville. Sans doute parce qu’il avait eu les meilleures notes et les meilleurs résultats, et devait encore posséder l’illusion de servir à faire avancer la science pour le bien de l’humanité. Un jour, la chute lui serait douloureuse, songeait Hyunwoo alors que Hoseok le saluait tristement.
-Tu repars sans moi, j’imagine ?
Il tentait de sourire, mais Hyunwoo savait qu’il était au plus bas. De nouveaux, les mêmes questionnements qui l’assaillaient sans cesse se manifestèrent, à propos de l’importance de la guerre, de repartir au combat, de la notion de famille et d’amis qui lui torturait l’estomac. Il souhaitait rester avec Hoseok, ne pas le laisser seul et assister à ses nouveaux tests qui allaient sûrement drainer encore toute son énergie, serrer le bras de Hyungwon quand ce dernier allait paniquer en voyant Hoseok s’effondrer de faiblesse à terre. Son cœur se tordait à l’idée d’être absent, de manquer tout cela, à l’idée que son meilleur ami allait devoir faire face à son destin seul ; et tout cela alors que Hyunwoo n’aurait rien dû ressentir mis à part son sens du devoir. Hoseok était formé pour ces séances de test, comme lui était formé pour accomplir ses missions aveuglément, comme un bon SOLDAT.
-Une invocation de Bahamut a détruit une des plus grosses fermes de Chocobos du nord. Il vaut mieux que j’aille mettre cette bestiole hors d’état de nuire.
-Aller attaquer un dragon dans une plaine immense, sans aucune montagne ? Bon courage, tu vas en chier.
Hyunwoo se para d’un rictus qu’il espérait confiant et rassurant.
-C’est plutôt lui qui va apprendre à me connaître, t’inquiète pas.
Les épaules de Hoseok se détendirent.
-Je ne m’inquiète pas. Je suis sûr que tu reviendras. Tu reviens toujours.
Hyunwoo prit garde à ne pas laisser son visage se décomposer.
-On revient tous toujours. C’est notre raison de vivre.
Hoseok hoqueta.
-Ah bon ?
-C’est quoi, pour toi, ta raison de vivre ?
Le regard bleu acier de l’autre, perdu derrière une mèche blonde laissée lâche sur son front, s’évada du côté de la porte du laboratoire, fermement verrouillée.
-Protéger ce qui est innocent… Ce qu’on fait de plus beau. Continuer d’aimer pour compenser le fait qu’on soit des monstres sanguinaires. Ou être un monstre sanguinaire pour protéger à tout prix ce qu’on aime, je n’ai jamais su ce qui venait en premier. C’est l’histoire de l’œuf et de la poule. J’imagine que c’est une histoire de point de vue.
Hyunwoo resta silencieux un instant.
-Et toi, c’est quoi pour toi, l’utilité de survivre ?
-Je ne sais pas. J’ai toujours pensé que vivre se suffisait à soi-même. Maintenant je ne sais plus. Soyou se bat pour ce qu’elle pense être juste, Jooheon pour le bien du savoir et de la connaissance pure. Minhyuk se bat pour protéger sa famille, comme s’il avait un genre d’instinct maternel refoulé et meurtrier, et toi, au nom de l’amour.
Ce fut au tour de Hoseok de poser sa main chaude sur le bras nu de son ami, sous une cicatrice immense, ancien vestige de la première mission du jeune homme qui avait failli perdre son bras.
-Et Kihyun ?
-Je ne sais pas. Je n’ai pas eu le temps de lui demander.
*
Malgré tout l’enthousiasme du monde, Jooheon ne s’attendait pas à découvrir la base de la ShinRa dans la banlieue de Junon réduite à l’état de ruines fumantes et noircies. C’était à la fois impressionnant, fascinant et terrifiant, de découvrir l’étendue des dégâts et au coin d’une ruelle, de découvrir un cadavre calciné d’un pauvre milicien qui n’avait pas pu réchapper de l’attaque. La mine grave, Minhyuk était parti faire le tour de la zone pour déterminer la force de frappe totale, et Soyou restait collé derrière Jooheon au cas où un danger surviendrait, tandis que le plus jeune examinait toutes les possibles traces à sa portée pour déduire quelque chose, n’importe quoi, qui lui permettrait d’analyser la situation.
-C’est du matériel artisanal, en tout cas, c’est sûr…
-Ce ne sont pas des troupes du Wutai, alors ? s’étonna Soyou de sa voix douce, comme si rien de grave ne s’était réellement passé.
-Je ne pense pas. Les mines sont petites et leur portée est faible, et certaines -comme celle-là, là-bas- n’ont même pas explosé parce que les fils sont mal soudés. Ils ont fabriqué leurs armes n’importe comment…
-Pas de matérias ?
-Sûrement pas, statua Jooheon fermement, il n’y a rien de magique là-dedans. C’est vraiment du terrorisme de bas étage, des gens qui ne tenaient pas à ouvrir le feu avec nous, et se sont contentés de faire tout sauter. Ils ne doivent pas disposer d’une excellente force de frappe, et si on arrive à les débusquer, on devrait avoir le dessus sans problème… C’est pour ça qu’ils se cachent.
-Hm. D’ailleurs comment ils ont fait pour poser toutes ces mines sans que personne ne s’aperçoive de rien, à ton avis ?
-Ça vraiment, je n’en sais rien.
Jooheon s’assit par terre, les jambes écartées, fixant la petite trace noire sur le mur.
-Et ça me perturbe, ajouta-t-il songeusement.
Minhyuk ne tarda pas à revenir vers eux, avec la moue inquiète de celui qui n’a trouvé aucune trace de vie dans les environs. Son épée bâtarde sagement rangée dans son dos, contre l’aimant géant qui permettait de maintenir leurs armes contre eux sans s’embarrasser d’un fourreau, il marchait précautionneusement, mal à l’aise.
-Je m’attendais à trouver quelques monstres, mais y’a rien que des carcasses calcinées… On dirait un cimetière.
-Je crois qu’on nous a trahi, l’interrompit Soyou le plus sérieusement du monde.
-Quoi ?
Jooheon bondit sur ses pieds, étant arrivé à la même conclusion que Soyou, et se rapprocha de Minhyuk pour lui attraper le bras, et ce fut la bouche tout près de son oreille qu’il marmonna :
-Il y a trop de mines à l’intérieur du camp. Personne ne nous a attaqué de l’extérieur.
Minhyuk planta ses yeux plus flamboyants que jamais dans ceux de Jooheon, brûlants.
-Donc quelqu’un s’est infiltré à l’intérieur de la base, compléta-t-il.
Jooheon hocha la tête.
-Quelqu’un qui est passé inaperçu aux yeux de tous.
-Un traître, conclurent-ils en se regardant dans les yeux, intensément, comme s’ils lisaient dans les pensées l’un de l’autre.
Pendant ce temps-là, Soyou curait une des gravures de son pistolet avec un morceau de pierre trouvé sur place.
-Quand vous aurez fini de vous faire les yeux doux, on pourrait peut-être penser à faire l’inventaire des plaques des miliciens pour les comparer au rapport d’effectif et voir s’il y en a un qui manque, du coup ?
Jooheon et Minhyuk avaient bondi, s’écartant à deux bons mètres de distance l’un de l’autre.
-Super, excellente idée, Soyou, fais donc ça pendant que j’essaie de ramasser les bombes qui n’ont pas explosé pour les analyser !
Même si l’un des deux autres avaient tenté de le retenir, Jooheon était déjà loin au moment de finir sa phrase, sans un regard pour ses coéquipiers.
-Content de voir que vous vous entendez mieux, avec le gamin, lança Soyou à Minhyuk avec un grand sourire innocent.
L’autre la fusilla du regard.
-Il a appris à se rendre utile, ça compense le fait qu’il soit chiant à crever.
Et de s’éloigner d’un pas lourd pour éviter de voir Soyou rouler des yeux. Jooheon avait toujours été compliqué à cerner et à gérer, et la vérité était que Minhyuk ne l’avait jamais détesté ou rejeté. Le jeune homme avait été tardivement repéré par les TURKS dans ce qu’il restait de Banora, et l’on avait été longtemps frileux à l’idée de l’intégrer au SOLDAT. Cette ville maudite, d’où étaient nés Genesis et Angeal, et où le premier avait été également déclaré mort, recelait encore de nombreux secrets que même les plus hauts placés de la ShinRa semblaient craindre. Ce n’était pas la première fois que l’on recrutait des banoréens, mais ça n’était pas non plus la première fois que l’on y recrutait une personnalité de feu, indomptable et incorrigible. Jooheon était de ceux qui se laissaient porter par leur instinct, qui faisaient de leur imprévisibilité une force, à qui il était impossible de mettre une laisse autour du cou. Minhyuk s’était toujours méfié de ce voleur invétéré, recruté par les TURKS à force de le voir essayer de pénétrer dans les bâtiments officiels de la ShinRa restés à Banora, à force de le voir escalader les arbres fruitiers de la région pour espionner par les fenêtres des laboratoires.
Jooheon vouait un culte au savoir, avait toujours cherché à emmagasiner le plus d’informations possibles, sur à peu près n’importe quel sujet, sans que personne ne sache ce qu’il retirait exactement de ce but précis. Il en devenait dangereux, pour la ShinRa d’abord, qui tentait pour l’instant de le contrôler en en faisant un allié, mais aussi pour ses coéquipiers, qu’il était à même de trahir à chaque instant, sans doute involontairement, par témérité et par ambition. Minhyuk n’était pas parvenu à lui faire pleinement confiance, au contraire de Soyou qui lui aurait confié sa vie. De fait, elle ne quittait que rarement son sourire en coin de celle qui a compris beaucoup plus vite lors des disputes entre Minhyuk et Jooheon. Minhyuk était incapable de voir ce qu’elle avait si bien compris chez le plus jeune, qui lui semblait têtu comme une mule, désespérément imprévisible, immature et hypersensible, et leur cohabitation avait été extrêmement difficile pendant les deux premières années. Un léger mieux s’était fait sentir avant que Kihyun ne quitte leur dortoir pour rejoindre les quartiers des première classe, où Minhyuk était devenu plus irritable que jamais, et cela avait frustré Jooheon au plus haut point, qui n’avait eu alors de cesse que d’attirer son attention sur autre chose que sur le manque profond de son ami. Quitte à ce que cela se règle par les armes.
Le crépuscule recouvrait le terrain vague qu’était devenu la base, et Minhyuk releva la tête pour chercher les premières étoiles apparaître dans le ciel encore trop clair. Le bleu profond était celui d’une paire d’yeux bleu sombre qui n’avaient pas encore été irradiés à la Mako, et les nuages ocre et rougeâtres qui recouvraient la plaine étaient d’une nuance semblable à celle des matérias de feu qu’affectionnait Jooheon. Il régnait une atmosphère apocalyptique, encore imprégnée des cris des miliciens tombés pour une raison inconnue, comme si le ciel avait pris feu à son tour. Minhyuk sentait malgré lui qu’ils étaient plus proches que jamais d’un élément vital, primordial, mais qui restait encore invisible à ses yeux, aussi invisible que la raison du sourire moqueur de Soyou. Comme à son habitude, il serra les poings, et ses dents en sentant ses jointures craquer. Il aurait préféré se battre, affronter Ifrit et ses flammes démoniaques, ou un de ces clones répugnants et dégénérés de Genesis qui couraient encore, perdus dans la nature. Il aurait préféré se noyer dans l’action et dans le combat, plutôt que de rester oppressé sous cette chape étouffante qui avait des allures de cimetière d’éléphants, à la fois majestueux et cauchemardesque.
Il se demandait si Kihyun pouvait voir le même ciel qu’eux.
*
-On a perdu le contact avec les agents TURKS à Nibelheim.
-Quoi ? Vous rigolez ?
Sewoon était seul dans le bureau de la directrice, hésitant sur la marche à suivre. Il ne comprenait pas pourquoi il avait été convoqué seul, et voilà qu’on lui annonçait que des TURKS commençaient également à disparaître. Qu’était-il bien sensé pouvoir y faire ?
-Non. Jet et Hyun devaient revenir dans les vingt-quatre heures pour nous rapporter de toute urgence un rapport du Professeur Hojo sur le trop-plein de radiation Mako et ses conséquences sur les humains. Cela doit faire à présent plus de soixante-douze heures qu’on est incapables d’établir le contact avec eux, mais il semblerait qu’il s’agisse d’un enlèvement, et pas d’une disparition. C’est pourquoi nous faisons appel à vous.
Encore plus stupéfait que la directrice Yoon ose aborder le sujet des disparitions de SOLDATS avec autant de flegme, Sewoon se sentit de plus en plus désarmé, comme si quelque chose lui échappait définitivement. Il ne parvenait pas à se sentir heureux à la perspective de retourner enfin sur le terrain, qui plus était pour une mission aussi importante qu’un sauvetage des services secrets.
-Si je puis me permettre, en quoi pouvez-vous affirmer que ce cas est différent de la disparition des SOLDATS.. ? Osa l’interroger timidement le jeune homme, rentrant sa tête dans ses épaules de peur de se faire vertement rabrouer.
-Le bureau a été vandalisé, répondit simplement la directrice Yoon, leurs téléphones portables sont restés allumés au milieu de la pièce, et nos miliciens qui les accompagnaient ont relevé des traces de lutte. Ils ont été enlevés contre leur volonté, et cela ne serait pas étonnant que nous ayons juste affaire à des demandeurs de rançon. Nibelheim s’est considérablement appauvri depuis…
Elle laissa échapper un soupir, et sa phrase resta en suspens. Effectivement, depuis que la ville avait entièrement brûlé le jour de l’évanouissement de Sephiroth dans la nature, la zone était dans un état critique pour les civils. La ShinRa peinait à réunir les fonds suffisants pour poursuivre la reconstruction de la ville, tout à leur guerre ouverte avec le Wutai, et les habitants laissés à dormir dans les rues ou à la belle étoile ne trouvaient pas toujours de quoi se nourrir le soir. Il était fréquent que des agressions ou des vols soient de mise, et Sewoon comprit que ses deux collègues, vêtus du costume classique de leur service et équipés de téléphones et de matériel de haute technologie, étaient des cibles de choix. Il ne releva pas le fait que la directrice Yoon lui-même évoquait la possibilité que les SOLDATS disparus soient des déserteurs volontaires, partis de leur plein gré, et accepta passivement l’ordre de mission.
-Donc en principe, pas de mauvaise surprises ?
-Je ne peux rien vous promettre, mais j’estime que c’est de votre niveau.
Comme souvent venant de leur directeur, Sewoon ne parvint pas à séparer le compliment de l’ironie.
-Moi tout seul ?
-Non. Prenez Jisung avec vous. J’ai entendu plusieurs personnes se plaindre qu’il risquait de détruire le bâtiment s’il ne se défoulait pas sur qui de droit.
La directrice arborait un sourire en coin en voyant Sewoon rougir de gêne.
*
-POURQUOI ON NE PEUT PAS VENIR ? Hurla aussitôt Changkyun lorsque Sewoon eut achevé son court récit.
-Parce que c’est comme ça, ils nous font partir deux par deux, c’est pas non plus utile de s’entasser comme des sardines dans les couloirs miteux de cette ville pourrie.
-Wow, commenta sobrement Chris, t’as vraiment pas l’air d’aimer la montagne.
-Je suis assez tiède à l’idée de devoir me coltiner ce repère de bandits, mais on fera avec.
Changkyun se mordit brutalement la lèvre et se leva d’un bond, les bras croisés, s’écartant beaucoup trop de Chris qui lui jeta un regard en coin, l’incompréhension visible sur son joli visage.
-Tu dirais pas ça si t’avais eu la chance de voir Nibelheim avant que ces connards ne passent tout au barbecue…
Jisung était resté étrangement silencieux, et fixait à présent Changkyun comme s’il cherchait le plus intensément du monde quelque chose à lui répondre.
-T’y es allé, toi ? Murmura Chris avec toute la délicatesse dont il était capable.
-J’y suis né, répondit l’autre sur le même ton, plus piteux que hargneux.
-Oh.
Sewoon se sentit submergé par la culpabilité, sans regretter toutefois ses paroles -elles n’étaient autre que le reflet de la réalité de Nibelheim. Il se sentait seulement coupable d’avoir verbalisé tout cela à voix haute, sachant à quel point Changkyun vivait mal son inaction, la situation précaire de sa famille qui avait péniblement construit une cabane en bois dans les montagnes en cultivant des légumes à côté d’un point d’eau ridicule, mais au moins assez peu convoité par le reste de leurs voisins. Nibelheim n’avait jamais été un joyau de tourisme, contrairement à Banora, ses immenses plaines fleuries et ses arbres suspendus, mais au moins c’était une ville qui tenait debout, qui était fière de son immense manoir qui contenait une bibliothèque conséquente, de son moulin à eau qui surplombait la colline à l’entrée de la ville. La faune était unique en son genre, étant donné que la végétation était rare dans les montagnes arides, et de nombreuses races de reptiles avaient fasciné les biologistes, avant de devenir la proie d’un braconnage constant lorsque les habitants furent incapables de se nourrir des cultures qui avaient brûlé.
À en croire les mines désolées de ses camarades, Sewoon n’était pas le seul à ignorer les origines précises de Changkyun. Même Chris avait écarquillé les yeux de stupeur, et en effet, si la rumeur était vraie, le jeune SOLDAT possédait les mêmes origines que Sephiroth, également né à Nibelheim. Nul doute quant au fait qu’il ait désiré passer cela sous silence étant donné l’opinion qu’il avait du héros, et la tragique histoire de la ville. Sewoon, comme beaucoup de SOLDATS, savaient que tous les rapports concernant l’incident de Nibelheim, avaient été classifié, et certains avaient même été détruits. Apparemment, tout ce qui concernait un milicien également originaire de Nibelheim avait totalement disparu des archives de la ShinRa, et Sewoon nota dans un coin de son esprit que s’il parvenait à sortir Jet et Hyun du mont Nibel, il se permettrait de leur demander un petit service.
-Changkyun, tu pourrais nous écrire l’adresse de ta famille ? On passera leur déposer un cadeau de passage, finit par intervenir Jisung.
Le jeune homme aux cheveux gris regarda son camarade avec une expression indéchiffrable, à la fois calmé et encore stressé.
-Rapportez-leur trois pavés de viande… Et un peu de mon argent de poche, ça ira plus vite que d’attendre la poste, et j’ai trouvé un couteau la dernière fois, il vaut sûrement cher, elle pourra l’échanger. J’ai acheté un bouquin pour ma sœur aussi, un truc de botanique, pour lui éviter d’intoxiquer papa avec une mauvaise plante, il tousse déjà trop souvent à cause de sa fichue pipe, et-
-Pas de problème, prépare un sac, on s’en occupe. C’est promis, sourit Jisung avec compassion.
Changkyun avait les yeux brillants lorsqu’il se rassit à côté de Chris, qui laissa leurs cuisses se toucher sous la table, comme pour le soutenir silencieusement.
Sewoon restait perdu dans ses pensées.
*
-Enchanté, Lee Hoseok.. Je suis Hyungwon.
La voix chantante du jeune homme en face de lui déclencha des frissons sur l’échine de Hoseok. Il était à deux doigts de rappeler Hyolyn pour lui faire part de son cœur qui s’accélérait, de sa température corporelle qui augmentait, de la goutte de sueur qui dévalait son dos, des frissons qui parcouraient son corps, de son bégaiement soudain face à la beauté angélique de celui qui venait de lui être présenté comme étant son partenaire officiel de travail. Il savait que Hyungwon lui était uniquement présenté par formalité, mais il ne put s’empêcher d’espérer immédiatement qu’ils auraient l’occasion de passer du temps ensemble, de pouvoir échanger quelques mots, même si c’était une conversation banale au-dessus d’une prise de sang. Il était irrépressiblement attiré par l’autre garçon, ses cheveux propres qui avait l’air aussi doux que du coton, ses yeux brillants d’un noir d’encre rare au milieu du bleu Mako qui peuplait les regards des SOLDATs. Sa peau rosée donnait à son visage arrondi une forme de pêche d’été et son sourire éclatant rivalisant avec le soleil de midi. Hoseok se sentit faiblir au fur et à mesure que les secondes passaient, restant là à fixer son vis-à-vis, le souffle coupé. Il ne se sentit à nouveau électrisé de vie que quand il sentit le bout des doigts frais de Hyungwon effleurer sa joue, curieux ;
-Tout va bien ? Tu as besoin de sucre ? Tu as l’air prêt à défaillir.
Il lui servit un jus de pommesotte tout sauf naturel, et leurs mains se touchèrent quand le verre passa de l’un à l’autre. Hoseok n’était pas sorti de sa contemplation, et s’imaginait déjà poser ses lèvres sur celles de Hyungwon, pulpeuses et brillantes de vie.
Hoseok ne parvenait pas à effacer de son visage l’image du Hyungwon amaigri, affaibli, au teint incolore et aux yeux ternes qui avait pourtant tenté de lui sourire et de donner le change pendant ses deux jours de sortie autorisés. Lorsqu’ils se tenaient par la main, Hoseok sentait les os plus que la paume de son amant, lorsqu’il le serrait dans ses bras, il savait que Hyungwon faisait de son mieux pour ne pas trembler de faiblesse. Dans la petite chambre -qui s’apparentait plus à un placard- de l’hôtel qui les avait accueilli, ils s’étaient juste endormis blottis l’un contre l’autre comme pour ne pas avoir froid, le visage de Hyungwon épousant parfaitement le creux de la gorge de Hoseok, souriant plus largement lorsque l’autre parlait, détendu par les vibrations de sa pomme d’Adam contre sa joue pâle. Ils n’avaient pas fait l’amour, et à vrai dire, Hoseok n’en avait même pas eu envie, bien trop préoccupé par l’état de santé de celui dont il avait volé le cœur. Ironiquement, il sentait presque les cellules de Hyungwon, greffées sur son propre corps, pulser de désespoir.
Réprimant des larmes amères qui menaçaient de dévaler ses joues, il renversa la tête en arrière, contre le mur de la salle d’attente. Il savait qu’il offrirait la même image de lui à Hyungwon aujourd’hui, derrière la vitre d’observation, aux côtés de Hyolyn et Felix, et plus il y pensait, plus sa poitrine se déchirait. Il était plus que conscient des sentiments de l’autre à son égard, puisqu’il lui rendait au centuple dès qu’il en avait l’occasion. S’il passait les tests de Hyolyn avec trop de zèle, Hyungwon allait souffrir le martyr et il allait mettre des mois à s’en remettre complètement, laissant son amant pleurer toutes les larmes de son corps sans pouvoir le serrer dans ses bras pour lui assurer qu’il irait bien. D’un autre côté, s’il obéissait à Hyungwon et simulait des signes de faiblesses qui fausseraient les résultats, les greffes cellulaires reprendraient, et il était impensable que Hyungwon tienne le coup à ce rythme.
Hoseok fusilla la porte du regard. Dans quelques minutes, il allait devoir faire un choix dont absolument aucune des deux seules issues ne serait satisfaisante. Il avait envie de hurler à pleins poumons sa détresse et sa rage, de prendre Hyungwon par la main et l’arracher du laboratoire qui était pourtant, paradoxalement, sa seule maison, et de l’emmener loin, plus loin que la mer, plus loin que le Wutai, là où aucun réacteur Mako ne drainait l’énergie de la planète.
Hyungwon n’avait jamais vu ni le ciel, ni autre chose que la ville. Quand ils sortaient, ils aimaient s’approcher le plus possible du bord de la Plaque, pour que Hyungwon puisse apercevoir un bout d’un ciel orageux, entre le gris perle et le gris fumée. En dehors de cela, il se contentait de toutes les histoires que Hoseok pouvait lui conter, toutes les descriptions qu’il lui faisait des villages voisins, des créatures qu’il découvrait. Il lui avait offert un bestiaire et un livre de photos pour l’anniversaire de leur premier baiser, et lorsque Hyungwon avait tenté de cacher l’humidité émue de ses yeux, Hoseok avait posé sa main contre sa joue, et son pouce avait caressé avec toute la tendresse du monde le contour de la cerne du jeune homme. Cela avait été un de leurs baisers les plus amoureux.
Lorsqu’il pénétra dans la salle de test, la première chose qu’il vit furent les yeux de Hyungwon qui le suppliaient silencieusement. En enfilant son casque, Hoseok prit sa décision, et son cœur se fissura encore un peu, alors qu’il levait son épée avec l’énergie du désespoir.
*
Chris détestait cette sensation de se sentir à la fois de trop, et à la fois pas assez. Lui et Changkyun étaient assis de part et d’autres de Jeongin, qui reniflait encore à intervalles réguliers. Le petit milicien avait été dévasté d’apprendre que Sewoon et Jisung étaient partis en mission, et il avait fallu plus de deux heures pour le convaincre qu’ils reviendraient vivants, et surtout d’ailleurs, qu’ils reviendraient. Il leur avait raconté comment la base de Junon Est avait été dévastée, comment quasiment tous ses camarades sur place étaient morts, comment toute la milice était paniquée. Il leur avait raconté sa peur des disparitions, sa peur de perdre sa nouvelle famille -et Chris avait été à deux doigts de la crise d’angoisse en se rendant compte qu’aux mots de Jeongin, Changkyun avait les yeux larmoyants lui aussi. Il ne se sentait pas en état de porter ses deux camarades seul, en même temps, et à son plus grand soulagement, Changkyun avait sourit nerveusement, et avait pris Jeongin dans ses bras pour l’assurer que ses grands frères de cœur seraient toujours là pour lui, et qu’une vraie famille ne se séparait jamais.
Cela avait été au tour de Chris d’avoir envie de pleurer. Il avait noyé dans une gorgée de bière les hurlements de sa mère et les coups de son père, les bleus sur ses jambes et les cicatrices du martinet dans son dos. Il avait noyé dans une seconde gorgée les cauchemars de son enfance, les pipis au lit, les doudous jetés à la poubelle qu’il avait dû récupérer lui-même, les questions de son institutrice, les journées entières passées dans le mutisme le plus total parce qu’il avait peur de dire un mot qui lui ferait regretter d’être venu au monde. En regardant Changkyun serrer Jeongin dans ses bras nus et blancs, il s’était souvenu de l’euphorie qu’il avait ressenti en passant les portes de l’école militaire, du premier jeu de cartes qu’il avait partagé avec Changkyun, du premier travail de groupe -nettoyer et monter un fusil- qu’il avait mené avec Sewoon, de la première nuit blanche qu’il avait passée à parler de tout et de rien en chuchotant avec Jisung dans leur dortoir, de la première fois qu’ils avaient emmené Jeongin dans un bar « pour les adultes ». Il s’était rappelé que l’instructeur avait ri quand il avait répondu « une famille » à la question « qu’est-ce que ça représente, le SOLDAT, pour toi ? ».
Il savait que Changkyun avait une famille biologique, une vraie, qui lui avait appris à aimer et à être aimé. Il savait que les liens qu’il devait au SOLDAT ne pourrait jamais égaler ce qu’il voyait s’épanouir dans les yeux de son ami lorsqu’il parlait de sa grande sœur qui serait volontiers partie à sa place s’engager dans l’armée, des biscuits aux épices que sa mère faisait régulièrement brûler parce qu’un four à bois, c’était quand même pas facilement contrôlable, mais qui justement, étaient encore meilleurs quand ils étaient ratés. Il avait eu l’impression de comprendre ce qu’il voulait dire le jour où ils avaient dû camper au milieu des arbres, une nuit de printemps où des pluies torrentielles s’abattaient sur les rizières de l’ouest, et que le feu n’avait pas pris. Jisung avait sorti des rations militaires imbibées d’eau qui étaient quasiment immangeables. Sewoon avait été à deux doigts d’abandonner l’idée même de se nourrir, et Chris avait fini par jeter la moitié de son repas sur un Changkyun qui faisait appel à tout son self-control pour ne pas rugir de fureur et maintenir leur posture discrète dans la prairie. Cela avait été une des pires nuits de leur vie, et pourtant aucun d’entre eux n’était capable d’y repenser sans être pris d’un fou rire colossal.
Jeongin était épuisé, et un regard à Changkyun lui suffit pour savoir que l’autre pensait à la même chose que lui. Ils vérifièrent que personne ne les surveillait -bien que ce fut peu probable à deux heures du matin- et entraînèrent Jeongin à leur suite, dans leur dortoir à eux, où de toute façon deux lits allaient rester vides pour le reste de la nuit.
Une fois le petit jeune homme couché, et endormi, Chris ne prit pas la peine de poser la question et se glissa dans le lit de Changkyun. Ce dernier ne fit même pas semblant d’être surpris, se contentant de rabattre la couverture sur eux alors qu’ils se serraient le plus possible pour économiser la place du matelas. Ils faisaient cela à chaque fois qu’un de leurs aînés s’absentait, pour affronter la peur de l’attente, l’incertitude, et les terreurs nocturnes qui, Chris s’en était aperçu à ses dépends, ne disparaissaient pas naturellement au fur et à mesure que l’on grandissait. Face à face dans la semi-pénombre, ils n’osaient pas se regarder, et Changkyun lia avec lenteur ses doigts à ceux de Chris sous l’oreiller qu’ils partageaient.
-N’aies pas peur.
-Toi non plus.
Chris sourit, piteusement mais sincèrement, et ferma les yeux. Avant de sombrer dans le sommeil, il sentit le nez de Changkyun se frotter au sien.
*
-Je n’ai aucun absent, lança Soyou à ses deux compagnons une fois la liste des morts et des blessés comparée, aucun milicien n’a posé les mines dans le camp.
-C’est impensable !
Minhyuk s’arrachait les cheveux tandis que Jooheon fixait le vide sans un mot.
-Il n’y avait personne d’autre à part une poignée du département de biologie, c’est une zone interdite aux civils, personne n’a le droit d’entrer à moins d’être fouillés, examinés à l’entrée et à la sortie, et sous présentation d’un mandat officiel !
-Je sais tout ça, Min’, soupira la jeune femme.
-On va devoir vérifier le registre d’entrée et-
-Et s’il s’agissait plutôt d’une infiltration ?
Minhyuk et Soyou se tournèrent en même temps vers Jooheon, qui regardait toujours le vague, les bras croisés, avec une détermination absolue comme témoin de ses réflexions intenses.
-Comment ça ?
-Que quelqu’un d’extérieur ait falsifié une autorisation, et se soit déguisé en une personne que les miliciens n’auraient pas soupçonnée.
Minhyuk était sceptique.
-Impossible, les examens sont trop rigoureux.
-Imagine qu’une réplique de Genesis ait tenté de se faire passer pour lui pour pénétrer à l’intérieur d’un camp, tu crois vraiment qu’on se serait posé la question ?
-Une réplique de Genesis, oui je pense qu’on se la serait posée, quand même !
Jooheon se frappa le front du plat de la main.
-Bien sûr que non, je ne pense pas à Genesis ! C’est un exemple !
Soyou laissait son regard vagabonder sur la plaine, et s’éloigna de quelques pas, sans écouter la suite.
-Je peux savoir qui tu penses qu’on a encore réussi à cloner en je ne sais combien d’exemplaires ?
-Mais j’en sais rien, merde, c’est une hypothèse comme une autre ! Celle de Soyou est invalide, et la tienne ne tient pas debout !
-C’EST TOI QUI AS DIT QU’IL Y AVAIT UN TRAÎTRE PARMI NOUS !
-TU L’AS DIT EN MÊME TEMPS QUE MOI, JE T’AI VU !
Soyou reculait de plus en plus, enjambant les ruines calcinées avec une insouciance qu’elle ne ressentait pas. Sans s’en donner l’air, elle était plus attentive que jamais au dialogue de ses camarades, mais pour des raisons bien différentes d’un quelconque intérêt pour son dénouement. Elle se sentait observée depuis qu’ils avaient atterri dans la zone, et les collines de terre qui entouraient la plaine faisaient caisse de résonance, rendant leurs conversations audibles plus facilement pour un espion, si seulement ce dernier trouvait le bon endroit pour se poster. Sachant que les braises de la disputes qui avait lieu à quelques mètres d’elle n’allaient pas s’éteindre de sitôt, elle menait un examen approfondi de l’acoustique de leur environnement, essayant de se rapprocher au maximum de la source du regard qu’elle sentait désagréablement peser sur eux depuis quelques longues heures. Un rictus amusé naquit malgré elle sur ses lèvres en s’apercevant que ni Jooheon, ni Minhyuk n’avaient réalisé qu’elle était complètement partie à présent, tout à leur hargne partagée, qui n’était en fait qu’une forme de complicité à son paroxysme, à l’image de la haine qui est l’autre forme que l’amour peut prendre. Elle avait l’habitude de devenir transparente lorsque Jooheon et Minhyuk se mettaient à se hurler dessus, ou à se chuchoter des déductions avec une synchronisation parfaite. Un cas comme l’autre arrivait régulièrement, et Soyou s’en amusait comme d’un feuilleton que l’on regarde sans y accorder une importance démesurée.
En réalité, elle aimait que l’on ne fasse pas attention à elle. Elle aimait méditer, écouter le monde tourner, et cela lui avait permis de développer une sensibilité accrue au moindre bruit, à la perception d’un mouvement même à un bon kilomètre de lui. Elle était convaincue que si elle était capable de s’enfoncer suffisamment dans le silence, elle serait capable d’entendre battre le cœur de la planète. Ce don l’avait sauvé de bien des situations délicates, elle et ses collègues, même Kihyun qui était pourtant capable de se tapir dans un endroit et de s’y fondre avec une application désarmante, comme un fauve qui guette sa proie dans les hautes herbes.
Lorsqu’elle trouva enfin son espion, elle sourit, laissant les coins de ses lèvres se transformer en babines de chat qui savoure son lait, et ramassa le lance-missile qu’elle avait posé contre un mur, près d’eux, après l’avoir volé sur le corps d’un milicien. Sans se départir de sa moue calme et apaisée, elle visa, et sans hésiter, tira au sommet de la colline située à onze heures, au niveau d’un des petits buissons qu’elle avait senti frémir lorsque son regard s’était posé dessus. Le bruit soudain et assourdissant fit sursauter Jooheon qui tomba presque sur Minhyuk, alors que Soyou souriait toujours mystérieusement, au cœur des volutes de fumée.
Elle adorait atteindre sa cible.
*
Minhyuk fut obligé de se retenir de vérifier que ses oreilles ne saignaient pas après avoir entendu le tir formidable de Soyou. Jooheon, dans un réflexe inhabituel, lui était pratiquement tombé dessus, se raccrochant à son bras, et par réflexe, Minhyuk avait tenté de le rattraper, posant sa main sur la hanche du plus jeune, qui s’écarta après quelques secondes d’un silence gêné. Soyou ne s’était pas retournée vers eux, et fixait le point d’impact de son tir, encore fumant.
-Bon sang, qu’est-ce que tu fous ? s’exclama Minhyuk en priant la planète pour que Jooheon ne relève pas la fausse note dans sa voix.
-On nous espionnait, répondit sobrement Soyou, sans s’embarrasser de plus de détails.
-Il ne devait pas espionner grand-chose, si tu veux mon avis… grommela Jooheon, mal luné.
-À cette distance, la plaine fait caisse de résonance, en admettant qu’il soit capable de lire sur les lèvres et que le vent porte dans sa direction, il peut nous entendre à une trentaine de mètres de distance, et au volume sonore de votre engueulade, sans avoir besoin de calculer, c’est positivement sûr que toute la région nous a entendu.
Jooheon eu la décence d’au moins avoir l’air penaud, mais Minhyuk ignora royalement la pique de son amie, comme d’habitude formulée avec un sourire narquois.
-Et donc t’as décidé de le torpiller.
-J’allais pas lui courir après comme un lièvre…
-Certes.
-C’est pas pour te rabaisser, Soyou, mais t’as loupé ton coup, on dirait.
Jooheon pointait du doigt la colline, et en suivant ce qu’il montrait, les deux autres réalisèrent qu’une silhouette sombre s’était extirpée de la fumée, et dévalait la colline dans leur direction. Soyou fronça les sourcils, dubitative, et peut-être un peu vexée.
-Non. Je l’ai eu, j’en suis sûr.
-Va dire ça à son fantôme alors, j’imagine ?
-Je te dis que je l’ai eu !
-Et moi je te dis qu’il va nous défoncer la gueule !
Minhyuk avait déjà sorti son épée, ravi de pouvoir enfin dérouiller ses membres et passer sa frustration quelque part. Les lèvres pincées et la tête penchée en avant, comme un bélier qui s’apprête à charger, il coupa court malgré lui au débat de ses deux amis, effarés par l’aura surpuissante qui s’abattait sur eux. Minhyuk était effrayant lorsqu’il dégageait autant d’énergie, et ni Jooheon, ni Soyou ne s’élancèrent à ses côtés, sachant pertinemment que l’autre ne ferait pas de quartiers. Ils n’étaient pas assez fous pour prendre le risque de subir un coup perdu, ou de se faire incendier par Minhyuk s’il devait retenir ses coups pour préserver ses coéquipiers. Ils le laissèrent partir seul avec toute la confiance du monde, certains que qui que ce fut en face du SOLDAT, ce serait lui qui allait passer un mauvais quart d’heure.
Emporté par son élan, Minhyuk abattit son arme avec fracas contre celle de l’intrus. Il s’attendait à ce que ce dernier pare et n’avait de fait, pas retenu sa force, espérant briser son arme si elle était aussi artisanale que les bombes jetées dans le camp. Il grinça des dents en constatant qu’il n’en fut rien, et que l’inconnu, portant un long capuchon qui masquait son visage et son corps dans un immense manteau marron, possédait une arme similaire à la sienne. L’impact du métal se fit entendre à plusieurs mètres autour d’eux, et Minhyuk maintint la pose, appuyant de toutes ses forces sur ses bras dans l’intention de faire céder son assaillant sous sa puissance physique, avant de bondir en arrière, espérant lui faire perdre son équilibre et le faire basculer en avant. De nouveau, son intention échoua, et l’homme encapuchonné retrouva rapidement une posture stable, adoptant une garde qui intrigua Minhyuk. Il se battait comme lui.
Secouant la tête, il revint à la charge, s’encourageant lui-même d’un cri de guerre qui aurait fait reculer un adversaire moins entêté. L’autre para ses coups pendant plusieurs minutes sans plus réagir, et alors que Minhyuk se rendit compte qu’il le laissait se fatiguer tout seul, il fut pris par surprise par une entaille sur sa joue, survenant à la vitesse de l’éclair. Se jetant à terre pour éviter le prochain coup, frontal, il roula sur lui-même dans l’intention de faire tomber l’arme de son adversaire, à défaut d’avoir le dessus sur lui, et retint un grondement furibond lorsqu’il échoua à nouveau. Cependant, lorsqu’il se redressa, il aperçut une lueur furtive briller dans les yeux cachés sous la capuche, une lueur qu’il connaissait bien, et qui manqua de lui faire totalement perdre pied.
Il prêta dès lors plus d’attention aux postures du mystérieux individu, à son arme, qu’il finit par reconnaître. Un immense sabre noir, un peu abîmé par le temps, aux rayures métalliques là où la peinture avait pris des coups, une lame large et une pointe énorme, comme un couteau ouvre-lettres. La poignée en cuir rouge de l’arme, la manière dont elle fendait le vent, la personne plus petite que lui, une mèche de cheveux mi-longs qui s’envola hors de la capuche pendant quelques secondes.
-Kihyun ?
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